Les lignes directrices de 2006 de la Commission et le communiqué sanction de l’Autorité de 2021 prévoient une liste non exhaustive des circonstances aggravantes et atténuantes pour l’individualisation de la sanction. Sauf disposition expresse, la Commission et l’Autorité bénéficient d’une marge d’appréciation quant à la fixation du coefficient multiplicateur à appliquer pour ajuster le montant de base, dès lors que les conditions permettant de caractériser lesdites circonstances sont réunies.
Les circonstances aggravantes
Au nombre des circonstances aggravantes, visant à sanctionner un comportement ayant eu pour effet d’accroître ou de maintenir les effets néfastes d’une pratique anticoncurrentielle sur la concurrence, sous réserve de la preuve apportée par la Commission ou l’Autorité, figurent notamment :
La récidive ou la réitération constituent la circonstance aggravante la plus sévère, en ce sens qu’un précédent constat d’infraction assortie ou non d’une amende ou d’une sanction pécuniaire fut insuffisant pour répondre à l’objectif de dissuasion. Les lignes directrices et le communiqué sanction prévoient respectivement une augmentation de 100 % du montant de base par infraction constatée et une augmentation dans une proportion comprise entre 15 % et 50 % selon le délai écoulé entre les infractions. Contrairement aux lignes directrices, le communiqué sanction précise que la réitération doit faire l’objet d’une prise en compte autonome.
Le rôle de meneur ou d’incitateur de l’infraction peut être endossé par une entreprise durant l’intégralité de la période infractionnelle, conjointement par plusieurs entreprises, ou par plusieurs entreprises successivement. Le rôle de meneur est caractérisé comme une force motrice significative pour l’entente ou avoir porté une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de l’infraction. Le rôle d’incitateur est retenu lorsqu’une entreprise a encouragé d’autres entreprises à mettre en place l’entente ou à s’y joindre. Le communiqué sanction évoque également le rôle particulier dans la conception ou la réalisation de l’infraction, lequel peut se matérialiser par la suggestion d’une conduite à tenir ou pour avoir assuré l’organisation logistique, indépendamment de l’existence de pressions exercées sur les autres membres de l’entente.
Les mesures de contrainte ou de rétorsion, dans la mesure où elles aggravent les dommages créés par une entente, sont mises en œuvre, notamment en vue de forcer une entreprise à respecter un accord ou à étendre le champ d’une entente en la menaçant de représailles.
S’agissant des circonstances aggravantes spécifiques en droit de l’Union.
Le refus de coopération ou l’obstruction dans le déroulement d’une enquête, caractérisés, notamment, par la destruction de documents, le refus de répondre aux questions ou aux demandes de renseignements ou encore avertir les autres membres de l’entente de l’imminence des vérifications.
S’agissant des circonstances aggravantes spécifiques en droit français
La capacité d’influence ou l’autorité morale d’une entreprise (opérateur historique sectoriel), une association d’entreprises ou un organisme (instance ordinale ou ordre professionnel) rendent d’autant plus répréhensibles les pratiques anticoncurrentielles commises.
Les circonstances atténuantes
Au nombre des circonstances atténuantes, visant à récompenser un comportement ayant eu pour effet d’affaiblir ou de neutraliser les effets néfastes d’une pratique anticoncurrentielle sur la concurrence, sous réserve de la preuve apportée par les entreprises ou une association d’entreprises, figurent notamment :
La fin à l’infraction dès les premières interventions de la Commission ou de l’Autorité. En revanche, cette circonstance atténuante n’est pas applicable aux accords et pratiques de nature secrète, en particulier les cartels. Le bénéfice de cette circonstance atténuante n’est pas automatique et est conditionné à l’existence d’un lien de causalité entre les interventions de la Commission ou de l’Autorité et la cessation de l’infraction.
Une coopération effective avec la Commission ou l’Autorité allant au-delà des obligations auxquelles l’entreprise ou l’association d’entreprises est juridiquement soumise et en dehors du champ d’application de la procédure de clémence. Tel est le cas lorsque la Commission ou l’Autorité ont pu se reposer, dans leur décision finale, sur des éléments de preuve que l’entreprise ou l’association d’entreprises leur aurait fournis dans le cadre de sa coopération et en l’absence desquels la Commission ou l’Autorité n’auraient pas été en mesure de sanctionner totalement ou partiellement l’infraction.
L’infraction a été autorisée, sollicitée ou encouragée par les autorités publiques ou par une réglementation. L’importance d’une réglementation peut conduire à ce que le comportement des entreprises ne réponde pas au libre jeu de la concurrence. La seule connaissance de l’infraction par les pouvoirs publics est insuffisante pour bénéficier de cette circonstance atténuante.
La contrainte de participation à l’infraction (non prévue par les lignes directrices). Le bénéfice de cette circonstance atténuante se heurte toutefois à l’absence de dénonciation des pressions exercées en vue de contraindre à la participation à l’infraction.
S’agissant des circonstances atténuantes spécifiques en droit de l’Union
L’entreprise apporte la preuve que l’infraction a été commise par négligence. L’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n o 1/2003 prévoit l’imposition d’une amende pour des infractions commises par négligence. L’absence de connaissance de l’infraction et insuffisante dès lors qu’il suffit que l’entreprise n’ait pu ignorer que sa conduite eût pour objet d’enfreindre la concurrence.
L’entreprise apporte la preuve que sa participation à l’infraction est substantiellement réduite et démontre par conséquent que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite. Le critère de la participation substantiellement réduite est plus exigeant que celui tenant au rôle suiviste ou exclusivement passif de l’entreprise condamnée.
S’agissant des circonstances atténuantes spécifiques en droit français
L’entreprise a durablement adopté un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits et des services en cause, au point d’avoir perturbé, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique en cause. Cette perturbation, caractérisée notamment comme forte atténuation des effets de l’entente, peut être limitée pour une partie de la période infractionnelle.
La mise en œuvre, en cours de procédure, des mesures de réparation bénéficiant spécifiquement aux victimes de la pratique, notamment le versement à ces dernières d’une indemnité due en exécution d’une transaction au sens de l’article 2044 du Code civil.