Contrôle (changement)

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

Le changement durable du contrôle constitue un élément de définition de la notion d’opération de concentration et ainsi de la contrôlabilité de cette opération au titre du contrôle des concentrations. Ainsi que le rappelle l’avocat général Tanchev dans ses conclusions rendues dans l’affaire Mowi ASA contre Commission européenne (CJUE, 4 avril 2020, aff. C-10/18 P), « pour qu’une concentration soit constituée, il faut qu’il y ait un changement du contrôle  ». Ne constitue donc pas une concentration, une opération dans laquelle ni l’identité des personne qui contrôlent les entreprises concernées ni la qualité du contrôle ne sont modifiées.

Le premier paragraphe de l’article 3 du règlement n°139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises dispose qu’« une concentration est réputée réalisée lorsqu’un changement durable du contrôle résulte » d’une fusion ou « de l’acquisition, par une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou par une ou plusieurs entreprises, du contrôle direct ou indirect de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises ». Le quatrième paragraphe de ce même article précise que la création d’une entreprise commune «  accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome » constitue également un changement durable de contrôle. La condition d’« entité économique autonome » s’explique par la volonté de ne soumettre au contrôle que les opérations susceptibles de modifier la structure du marché.

Le droit interne reprend cette logique dans l’article L. 430-1 du code de commerce et précise la notion de contrôle au sens de cet article. Il dispose en son troisième alinéa que « le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise  ». Le changement de contrôle ne résulte ainsi pas exclusivement de l’acquisition d’une majorité des droits de vote mais peut découler de droits, de contrats ou de circonstances conférant une influence déterminante sur les décisions stratégiques de l’entreprise, et notamment « la composition, les délibérations ou les décisions des organes d’une entreprise ». Voir, Contrôle (notion).

Le changement de contrôle sur une entreprise peut donc résulter de la modification de l’identité des personnes qui l’exercent. Ainsi constitue un changement de contrôle l’acquisition du contrôle exclusif de la société cible auprès d’une entreprise qui exerçait déjà un contrôle exclusif. Il en est de même en cas de modifications des sociétés qui exercent un contrôle conjoint sur une entreprise, indépendamment du maintien du contrôlant historique.

Le changement de contrôle peut également résulter de la modification de la nature du contrôle. Ainsi, l’acquisition du contrôle exclusif ou conjoint sur une entreprise auparavant non contrôlée constitue une opération de concentration. C’est également le cas lors du passage d’un contrôle exclusif à un contrôle conjoint ou inversement. La Cour de justice a toutefois précisé qu’une concentration n’est réputée réalisée à l’issue du changement de la nature du contrôle exercé sur une entreprise existante, qui, antérieurement exclusif, devient conjoint, qu’à la condition que l’entreprise commune issue d’une telle opération accomplisse de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome, sous peine d’ « étendre le contrôle préventif prévu par [l]e règlement [n° 139/2004] à des opérations n’étant pas susceptibles d’avoir un effet sur la structure du marché concerné » (CJUE, 7 septembre 2017, Austria Asphalt GmbH & Co OG contre Bundeskartellanwalt, aff. C- 248/16).

A l’inverse, en l’absence de toute modification de l’identité des contrôlants ou de la nature de ce contrôle, une opération de restructuration interne ne constitue pas une opération de concentration (Autorité de la concurrence, lettre de non contrôlabilité n° 09-DCC-44). De même, la Cour de justice est venue rappeler que la dénonciation d’un accord de coopération, dès lors qu’elle constitue une mesure qui, bien que prise en rapport avec le processus conduisant à une concentration, précède l’acquisition de la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité de l’entreprise cible et est dissociable des mesures y menant effectivement, ne peut être considérée comme entraînant la réalisation d’une telle opération (CJUE, 31 mai 2018, Ernst & Young P/S contre Konkurrencerådet, aff. C633/16).

 

Pour aller plus loin

L’analyse du changement de contrôle est un élément important à la fois de la détermination de la contrôlabilité de l’opération et de l’analyse de ces effets. Elle est également centrale pour qualifier les défauts de notification comme les réalisations anticipées d’opération de concentration (« gun jumping), que la Commission ou l’Autorité de la concurrence peut sanctionner (respectivement I et II du L430-8). Pour la Cour de justice, « la réalisation d’une concentration (…) a lieu dès que les parties à une concentration mettent en œuvre des opérations contribuant à changer durablement le contrôle sur l’entreprise cible. » (CJUE, 31 mai 2018, Ernst & Young P/S contre Konkurrencerådet, aff. C633/16, point 46)

Ainsi, alors que l’acquisition de la société MBWS avait été notifiée en janvier 2019 par la société Cofepp et autorisée par l’Autorité en février, Cofepp a été sanctionnée en avril 2022 pour défaut de notification et réalisation anticipée de cette même opération (Autorité de la concurrence, décision n° 22-D-10). L’Autorité a considéré que Cofepp disposait d’une influence déterminante dès 2018 en raison notamment de la nomination par Cofepp du directeur de MBWS, de son rôle dans la négociation avec les fournisseurs de MBWS et en raison de sa participation à des décisions stratégiques et opérationnelles de MBWS.

La Commission avait déjà tenu un raisonnement identique en sanctionnant pour gun jumping la société Marine Harvest lors de son rachat de la société Morpol. La Commission avait alors considéré que Marine Harvest avait acquis le contrôle de la cible dès l’acquisition de 48,5 % du capital de la cible et non au moment de la réalisation de l’offre publique d’achat portant sur le solde du capital car la société acquéreur avait eu la quasicertitude d’obtenir une majorité aux assemblées générales, compte tenu du taux de sa participation et du taux de présence d’autres actionnaires aux assemblées générales au cours des années antérieures (Décision de la Commission, 23 juillet 2014, C(2014) 5089, confirmée par la Cour de justice).

 

Bibliographie

Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises ("le règlement CE sur les concentrations")

Communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises

Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations

Décision de l’Autorité de la concurrence n° 22-D-10 du 12 avril 2022 relative à la situation de la société Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation au regard de l’article L. 430-8 du code de commerce

S. POILLOT-PERUZZETTO et C. GRYNFOGEL, Concentrations, Répertoire de droit européen, avr. 2020

Georges DECOCQ, Contrôle des concentrations - Une opération de concentration suppose un changement de contrôle de l’entreprise cible, Contrats Concurrence Consommation n° 8-9, Août 2018, comm. 158

Auteur

Citation

Marjolaine Potin, Contrôle (changement), Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 85888

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

« Le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise, et notamment : (a) des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d’une entreprise ; (b) des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d’une entreprise. Le contrôle est acquis par la ou les personnes ou entreprises :(a) qui sont titulaires de ces droits ou bénéficiaires de ces contrats, ou (b) qui, n’étant pas titulaires de ces droits ou bénéficiaires de ces contrats, ont le pouvoir d’exercer les droits qui en découlent. » © Article 3 du Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises

Voir Contrôle commun et Entreprise commune

 
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