La préférence pour les remèdes consistant en des cessions d’actifs est claire dans les textes de références de la plupart des autorités de concurrence. Ainsi, la Communication de la Commission concernant les mesures correctives indique : « D’après la jurisprudence de la Cour de justice, l’objectif premier des engagements est de garantir des structures de marché compétitives. En conséquence, les engagements à caractère structurel, tel que l’engagement de vendre une activité, sont généralement préférables du point de vue de l’objectif défini dans le règlement sur les concentrations, dans la mesure où ils empêchent durablement les problèmes de concurrence qui résulteraient de la concentration notifiée et, en outre, ne nécessitent pas de mesures de surveillance à moyen ou long terme. » Ce n’est que s’ils sont aussi efficaces que des cessions que les autres remèdes peuvent être envisagés (par. 61 de la Communication). Les lignes directrices de l’Autorité soulignent quant à elles : « À l’instar de la Commission, l’Autorité recherche, en priorité, des mesures structurelles, qui visent à garantir des structures de marché compétitives par des cessions d’activités ou de certains actifs à un acquéreur approprié, susceptible d’exercer une concurrence réelle, ou l’élimination de liens capitalistiques entre des concurrents. » En Allemagne, le Bundeskartellamt n’accepte des remèdes non structurels qu’à titre exceptionnel .
Il est intéressant de noter que, malgré cette priorité affichée, selon l’étude sur les engagements comportementaux publiée par l’Autorité de la concurrence, cette dernière accepte de nombreux engagements comportementaux. De 2009 à 2018, 45 % des engagements acceptés par l’Autorité étaient purement structurels, 36 % purement comportementaux et 19 % mixtes. À titre de comparaison, le taux d’engagements comportementaux est de 20 % pour la Commission, de 16 % pour la CMA (Royaume-Uni) et est presque nul pour le Bundeskartellamt (Allemagne).
Pour qu’un remède consistant en une cession soit efficace, sa mise en œuvre doit être certaine et il doit lever les problèmes concurrentiels que l’opération engendre. Ainsi, la cession doit concerner des actifs viables, et comprendre tous les actifs nécessaires au bon fonctionnement de la structure. Les autorités de concurrence demandent couramment au cédant de s’engager à préserver, jusqu’à la réalisation de la cession, la viabilité des actifs cédés de s’engager à ne pas faire l’acquisition des actifs qu’ils ont cédés pendant une période donnée. Dans la pratique de l’Autorité de la concurrence, cette durée est de dix ans. En outre, l’acquéreur doit être approprié, c’est-à-dire qu’il doit être indépendant des parties à la concentration et apte à développer l’activité cédée. En effet, l’autorité de concurrence n’a pas de possibilité de fixer des conditions au repreneur de l’activité cédée, par exemple de lui imposer de maintenir l’activité cédée dans le secteur dans lequel des préoccupations de concurrence ont été identifiées. Elle doit donc se montrer très prudente quant à l’examen du caractère approprié de l’acquéreur choisi.
La mise en œuvre d’une cession nécessite le plus souvent le recours à un mandataire. Dans un premier temps, il peut être chargé de vérifier le maintien de la viabilité des actifs avant la cession. Il peut également suivre l’avancement du processus de cession, voire être chargé lui-même de la cession, parfois dans un deuxième temps si la partie notifiante n’est pas parvenue à céder l’actif dans un premier temps.
Les cessions peuvent poser des problèmes de mise en œuvre, notamment parce qu’il est difficile de trouver un acquéreur approprié ou parce que les actifs se révèlent difficiles à vendre. En ce cas, des substitutions d’actifs sont parfois nécessaires. Ainsi, en 2018, l’Autorité de la concurrence a pour la première fois sanctionné une entreprise pour non-respect d’un engagement de cession. Trois magasins n’avaient pas été cédés à un repreneur agréé par l’Autorité à l’issue de la période de cession prévue par les engagements. Outre une sanction pécuniaire de 20 millions d’euros, l’Autorité a prononcé des injonctions structurelles, en substitution des engagements de cession non exécutés.