L’application par la Cour EDH des droits protégés par la Convention EDH au domaine du droit de la concurrence est passée principalement par le contrôle des sanctions adoptées par les autorités nationales de régulation. Lesdites autorités (administratives, publiques et indépendantes) relevaient en droit national d’un contentieux ni civil ni pénal au sens habituel de ces termes, ce qui paraissait interdire l’application du droit à un procès équitable prévu à l’article 6 paraphe 1 de la Convention EDH qui stipule que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…) »
Par suite, l’appréhension du droit de la concurrence par la jurisprudence de la Cour EDH a débuté par la requalification, par ladite Cour, de sanctions prises à l’encontre d’entreprises se voyant reprochés une pratique anticoncurrentielle, sanctions considérées par le droit national comme administratives, en sanctions pénales permettant d’entrer dans le domaine de l’article 6 §1 de la Convention. Ainsi l’arrêt Engel et autres contre Pays-Bas du 23 novembre 1976 intervenu en matière disciplinaire va être rapidement utilisé dans le cadre des sanctions par les autorités de régulation dans le cadre du droit de la concurrence.
Dans une jurisprudence constante depuis lors, la Cour EDH rappelle qu’il faut, afin de déterminer l’existence d’une « accusation en matière pénale », avoir égard à trois critères : la qualification juridique de la mesure litigieuse en droit national, la nature même de celle-ci, et la nature et le degré de sévérité de la « sanction » (Engel et autres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, § 82, série A no 22). Ces critères sont par ailleurs alternatifs et non cumulatifs. Pour que l’article 6 § 1 s’applique au titre des mots « accusation en matière pénale », il suffit que l’infraction en cause soit, par nature, « pénale » au regard de la Convention, ou ait exposé l’intéressé à une sanction qui, par sa nature et son degré de gravité, relève en général de la « matière pénale ». Cela n’empêche pas l’adoption d’une approche cumulative si l’analyse séparée de chaque critère ne permet pas d’aboutir à une conclusion claire quant à l’existence d’une « accusation en matière pénale ». Cette requalification en sanction pénale d’une sanction analysée en droit national comme purement administrative permet par suite l’application à la procédure du droit à un procès équitable prévu à l’article 6§1 précité.
La Cour EDH a déjà jugé que l’article 6, dans son volet pénal, s’appliquait notamment pour les sanctions infligées en Italie par l’autorité de régulation de la concurrence et du marché (Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (« l’AGCM ») ), et la Commission nationale des sociétés et de la bourse (Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (« la CONSOB ») et en France, la Cour de discipline budgétaire et financière , le Conseil des marchés financiers , le Conseil de la concurrence , la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers , la Commission bancaire ,. La Cour EDH a aussi appliqué auxdites autorités l’application de l’article 6§1 sous son volet civil. Là encore, il ne s’agit pas d’un renvoi au droit national, mais à une notion interprétée de façon autonome par la Cour EDH.
Si la procédure menée à l’encontre d’une décision d’une autorité de régulation relève bien de l’article 6§1, le contrôle exercé par la Cour EDH sur la décision attaquée s’effectuera en deux temps : la sanction prise par ladite autorité devra être contrôlée par un tribunal offrant les garanties au sens de l’article 6 de la Convention EDH (c’est-à-dire indépendant et impartial), d’une part, et ce tribunal devra exercer un contrôle de pleine juridiction au sens de la jurisprudence de la Cour EDH, d’autre part.
La décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions de l’article 6 doit pouvoir être soumis au contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction. La Cour EDH définit la caractéristique d’un organe judiciaire de pleine juridiction de la manière suivante : pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise, rendue par ladite autorité, autorité qui doit notamment avoir compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont elle se trouve saisi.
Concernant les perquisitions ou visites et saisies opérées dans les locaux d’une société commerciale, la Cour EDH a jugé qu’elles peuvent porter atteinte aux droits protégés par l’article 8 de la Convention De même la fouille et la saisie de données électroniques s’analysent en une ingérence dans le droit au respect de la « vie privée » et de la « correspondance » au sens des stipulations de l’article 8 . Une telle ingérence méconnaît l’article 8 sauf si, elle est « prévue par la loi », elle poursuit un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 de l’article 8 et, est « nécessaire dans une société démocratique » pour les atteindre. S’agissant des visites domiciliaires et des saisies, la Cour EDH recherche si la législation et la pratique internes offraient des garanties adéquates et suffisantes contre les abus et l’arbitraire , notamment s’il existe un « contrôle efficace » des mesures attentatoires à l’article 8 de la Convention.
Enfin, le droit de la concurrence est l’un des domaines majeurs de l’application de la jurisprudence de la Cour EDH relative au principe du non bis in idem (article 4 du protocole 7 ).