Dans le cas habituel de l’arbitrage dit « commercial », qu’il soit interne ou international, un arbitre a les mêmes pouvoirs qu’un juge national de droit commun pour appliquer les règles de concurrence, c’est-à-dire qu’il peut tirer les conséquences civiles d’une violation d’une règle de concurrence, avec les mêmes limites : ne pas porter atteinte à la compétence exclusive de l’autorité de concurrence. En antitrust, s’il ne peut certainement pas infliger des amendes, il peut prononcer la nullité du contrat ou d’une clause qui viole les articles 101 ou et 102 TFUE et les règles nationales équivalentes, ou attribuer des dommages et intérêts à la victime d’une pratique concurrentielle. Par exemple, en droit de l’Union, le règlement (CE) no 1/2003 a conduit à un élargissement de l’intervention de l’arbitre au même titre que pour le juge national (v. art. 6). De même, dans les contrôles ex ante, que sont le contrôle des concentrations et le contrôle des aides d’État, s’il ne peut déclarer la concentration ou l’aide compatible, l’arbitre peut, au même titre que le juge national, tirer les conséquences civiles du non-respect des obligations de notification et de suspension. À ce titre, l’arbitre apparaît comme un concurrent du juge national de droit commun.
Les trois stades de l’arbitrage présentent toutefois des particularités. En premier lieu, l’arbitre ne tient ses pouvoirs que de la convention des parties, qui doit être à la fois valable, ce qui suppose que l’arbitrabilité soit admise par le droit de l’arbitrage applicable (en droit français, CA Paris, 19 mai 1993, Labinal/Mors ; Rev. arb. 1993.645, note Ch. Jarrosson ; JDI 1993.957, note L. Idot), et rédigée de manière à couvrir le litige. Sur ce dernier point, la Cour de justice a posé des conditions restrictives dans l’arrêt CDC (CJUE, 21 mai 2015, aff. C-352/13) pour les actions délictuelles consécutives à des cartels dont elle a atténué par la suite la portée pour les actions autonomes entre parties liées par un contrat (CJUE, 24 octobre 2018, Apple Sales International, aff. C-595/17). En deuxième lieu, pour le traitement de la question de concurrence, en droit de l’Union, n’étant pas une juridiction au sens de l’article 267 TFUE, l’arbitre ne peut saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle (CJCE, 23 mars 1982, Nordsee, aff. 102/81) et ne dispose pas d’un accès officiel aux mécanismes de coopération avec les autorités de concurrence. Seules les règles de procédure qui régissent l’arbitrage sont applicables. S’agissant des questions de fond, en cas d’arbitrage international, les règles de concurrence doivent être considérées comme des lois de police. La seule question débattue est celle de savoir si l’arbitre a l’obligation d’appliquer d’office une règle de concurrence applicable alors qu’aucune partie n’en a revendiqué l’application. En droit de l’Union, l’arrêt Eco Swiss de la Cour de justice (CJCE, 1er juin 1999, aff. C-126/97) continue à donner lieu à des interprétations divergentes. La difficulté rebondit en général au stade final du contrôle éventuel de la sentence arbitrale par le juge étatique à l’occasion de la procédure d’exequatur ou d’un éventuel recours en annulation de la sentence. Les règles du droit de l’arbitrage applicable déterminent les modes de contrôle et l’étendue de ce dernier, qui est opéré au regard de la notion d’ordre public. Ce contrôle de la sentence peut être variable suivant le droit national applicable. Réputé très souple en France après l’arrêt Thalès (CA Paris, 18 novembre 2004, RG 2002/19606 ; Rev. arb. 2005.751), il semble désormais s’intensifier, comme l’a illustré une saisine de la Cour de justice par la cour d’appel de Paris dans l’affaire Genentech (CJUE, 7 juillet 2016, aff. C-567/14). De manière plus exceptionnelle, une sentence peut également être contrôlée par une autorité de concurrence si elle est le support d’une pratique anticoncurrentielle (Trib. UE, 16 décembre 2020, International Skating Union, aff. T-93/18), mais surtout, en droit de l’Union, si elle est le support d’une aide d’État (v. l’affaire Micula, pourvoi en cours, contre Trib. UE, 18 juin 2019, European Food, aff. T-624/15 e.a.). Plus que les relations entre droit de l’arbitrage et droit de la concurrence, sont alors en cause les compétences respectives des États membres et de l’Union européenne en matière de signature de traités bilatéraux d’investissement illustrées par l’arrêt Achmea (préc.).
De manière plus atypique, l’arbitre peut devenir également un auxiliaire de l’autorité de concurrence. Cela couvre les hypothèses dans lesquelles, pour assurer le contrôle de la bonne exécution d’un engagement, qu’il intervienne en contrôle des concentrations ou en antitrust, l’autorité de concurrence sollicite de la partie qui propose l’engagement le recours à un mécanisme d’arbitrage. La pratique européenne est désormais bien développée et des clauses types ont été mises au point par la Commission. Elles prévoient une procédure rapide qui reste toujours sous le contrôle final de la Commission, à tel point que la qualification de ce type d’arbitrage demeure controversée. Le mécanisme semble dissuasif puisque l’on ne connaît pas de mise en œuvre concrète de ce type de clauses.