Aide d’État (récupération)

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

La récupération des aides d’État ne figurait pas, et ne figure toujours pas, dans les Traités européens. En effet, l’article 108 §2 TFUE (ancien article 93 CEE et 88 CE) dispose simplement que : « Si, après avoir mis en demeure les intéressés de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État, n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107 (…), elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine ». Pour la Cour toutefois, « (…) cette suppression, pour avoir un effet utile, peut comporter l’obligation d’exiger le remboursement des aides octroyées en violation du traité » (CJCE 12 juill. 1973, Commission c./RFA », aff. C-70/72, pt 13).

Depuis lors, et face aux violations répétées des États membres de notifier préalablement leurs projets d’aides ou de s’abstenir de les mettre à exécution avant toute décision de compatibilité (obligation dite de standstill), la Cour comme la Commission ont fait de la récupération des aides illégalement versées « (…) la conséquence logique de la constatation d’incompatibilité de cette aide avec le marché » (CJCE 14 janv. 1997, Espagne c./Commission, aff. C-169/95, pt 47). Partant, chaque fois qu’une aide est illégalement versée (c’est-à-dire non notifiée ou ne respectant pas les régimes préalablement approuvés à l’image du RGEC n°651/2014 du 17 juin 2014 prolongé jusqu’au 31 décembre 2023) et déclarée incompatible par la Commission (qui dispose d’un monopole d’appréciation), cette dernière exige systématiquement sa récupération.

Alors que l’état du droit en la matière était uniquement d’origine prétorienne, les articles 16 et 17 du règlement de procédure (n°659/1999 du 22 mars 1999, amendé par le règlement n°2015/1589 du 13 juillet 2015) ont utilement codifié et complété ces règles. Ainsi, l’obligation pour la Commission de prescrire la récupération des aides incompatibles, celle d’y adjoindre des intérêts de retard, celle d’agir dans un délai de 10 ans, celle des Etats membres de s’y conformer sans pouvoir y opposer des règles (procédurales comme de fond) internes, le droit pour la Commission de prendre des injonctions de recouvrement à l’égard d’aides simplement illégales et non encore déclarées incompatibles, la possibilité pour la Commission de reconsidérer sa position (et de prescrire ce remboursement) en présence d’une « application abusive d’une aide » par un État membre… sont les principales avancées auxquelles procède le règlement de procédure.

Il reste que si les objectifs de la récupération demeurent les mêmes (la cessation d’une pratique anticoncurrentielle et le rétablissement du statu quo ante), ils sont difficiles à atteindre : notamment le second quand des entreprises ont été artificiellement maintenues en vie pendant parfois plus d’une décennie et que le remboursement n’intervient jamais (à l’image de la guerre que se sont livrées la Corsica Ferries et la SNCM). Il n’en demeure pas mois que la Commission et la Cour de justice font preuve d’une rigueur absolue à l’égard des États membres en rejetant tous les arguments s’opposant à cette restitution (règles constitutionnelles ou législatives nationales, problèmes politiques, risques de troubles à l’ordre public, de faillites ou de licenciements, contentieux pendants, etc.).

CJUE 8 déc. 2011, Residex Capital, aff. C-275/10, pt 34 : « (…) le principal objectif visé par la récupération d’une aide d’État versée illégalement est d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par une telle aide. En effet, par le remboursement de l’aide, le bénéficiaire perd l’avantage dont il disposait sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie  ».

 

Pour aller plus loin

La mise en œuvre pratique de cette récupération pose une série de questions particulièrement complexes qui ont été tranchées par la jurisprudence. Ainsi : quelle entreprise doit rembourser les aides allouées ? Toujours celle qui en est le « bénéficiaire effectif », ce qui ne signifie pas nécessairement celle qui en a été le récipiendaire initial en cas de rachat ou de liquidation de celle-ci. Quel doit être le montant restitué ? Il s’agit du montant initialement versé auxquels s’ajoutent les intérêts fixés par la Commission et qui se capitalisent. Quel est le délai de prescription de l’action de la Commission ? 10 ans à compter de la « mise à disposition » des sommes illégales ; ce délai de prescription s’interrompant dès le premier acte d’instruction de la Commission, par l’envoi d’un simple courrier par exemple. À qui doit-on restituer les aides illégalement versées ? A l’autorité publique dispensatrice par principe, sauf si le dispositif d’aide est indissociable d’un mécanisme fiscal qui l’abonde. En une telle hypothèse en effet, et sous réserve de montrer l’existence d’un « lien d’affectation contraignant » entre ce prélèvement et le système illégal d’aide qu’il finance, ce sont les assujettis qui récupèreront le produit des aides illégalement versées.

 

Jurisprudences pertinentes

CJUE 8 déc. 2011, Residex Capital, aff. C-275/10

CJCE 14 janv. 1997, Espagne c./Commission, aff. C-169/95

CJCE 12 juill. 1973, Commission c./RFA », aff. C-70/72

 

Bibliographie

M. Karpenschif, « La récupération des aides nationales versées en violation du droit communautaire à l’aune du règlement n°659/1999 : du mythe à la réalité ? », RTDE, 2001/3, p. 551 et s. « Communication de la Commission sur la récupération des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur », JO n° C 247 du 23 juillet 2019.

M. Karpenschif, « Manuel de droit européen des aides d’État », Bruylant, 2021, 4ème éd., 580 p. spéc., § 516 à 622.

Auteur

Citation

Michaël Karpenschif, Aide d’État (récupération), Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 88916

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

" (...) Lorsqu’un État membre a accordé à un opérateur économique une aide illégale, il lui incombe, en principe, de la récupérer, afin de rétablir la situation économique telle qu’elle existait préalablement au versement de cette aide. De jurisprudence constante, la Cour considère que cette récupération ne saurait être considérée comme une sanction (CJCE, 17 juin 1999, Belgique c/ Commission, aff. C-75/97, pt 65) ; elle n’est que la conséquence logique et proportionnée, au regard de l’objectif de concurrence effective établie par le traité (CJCE, 14 septembre 1994, Espagne c/ Commission, aff. C-278/92, pt 75), de l’infraction constatée (CJCE, 10 juin 1993, Commission c/ Grèce, aff. C-183/91, pt 16)." Vade-Mecum des Aides d’Etat, 2016, MINEFI

[L]e principal objectif visé par la récupération d’une aide d’État versée illégalement est d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par une telle aide […]. En effet, par le remboursement de l’aide, le bénéficiaire perd l’avantage dont il disposait sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie […] CJUE, 8 décembre 2011, Residex Capital, aff. C-275/10, pt 34

 
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