Aide d’État (notification)

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

Le droit de l’Union soumet les aides d’État à un régime d’autorisation préalable afin que seules les aides d’État compatibles avec le marché intérieur, selon les critères qu’il fixe, soient octroyées.

Ce contrôle préventif se fonde sur l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui, selon des termes inchangés depuis le traité instituant la Communauté économique européenne de 1957, prévoit  : « [l]a Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l’article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. »

Les projets d’aide d’État doivent par conséquent être notifiés à la Commission pour pouvoir être mis en œuvre.

La Commission est seule compétente pour autoriser l’octroi d’une aide d’État dans ce cadre, l’article 108, paragraphe 2, 3ème alinéa, TFUE, conférant toutefois une compétence particulière au Conseil, lui permettant, sur demande d’un État membre, de considérer une aide instituée ou à instituer par un État membre comme compatible avec le marché intérieur, en dérogation aux dispositions de l’article 107 TFUE ou aux règlements prévus à l’article 109 TFUE, si des circonstances exceptionnelles le justifient.

La notification emporte nécessairement la suspension du projet, jusqu’au feu vert éventuel de la Commission : la logique du système est que les États membres ne mettent pas en œuvre une mesure d’aide tant que la Commission n’a pas pris position d’une manière ou d’une autre (CJCE, 11 décembre 1973, Gebrüder Lorenz, aff. 120/73).

En cas de violation de ces exigences, l’aide d’État octroyée est soumise au régime des aides illégales et l’entreprise bénéficiaire sera tenue, en principe, de la rembourser.

Il revient à l’État membre concerné d’apprécier si un financement constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soumise à notification. De même, il appartient à une juridiction saisie de la légalité d’une aide de se prononcer sur le point de savoir s’il s’agit d’une aide au sens du traité afin de déterminer si elle devait ou non être notifiée à la Commission. En revanche une juridiction n’a aucune compétence pour se prononcer sur sa compatibilité avec le marché intérieur, cet examen relevant de la compétence exclusive de la Commission européenne.

Les États membres disposent, afin de les guider dans leur appréciation, de certains textes de droit dérivé qui précisent les critères de l’analyse.

Tel est le cas en ce qui concerne la question de savoir si des aides de petits montants, dites de minimis, sont réputées ne pas affecter les échanges entre les États membres et ne pas fausser ou menacer de fausser la concurrence, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et ne sont donc pas soumises à l’obligation de notification préalable.

En application de la faculté qui lui est offerte par l’article 109 TFUE, le Conseil a également défini plusieurs catégories d’aides dites « horizontales » qui peuvent être « dispensées » ou « exemptées » de la procédure d’autorisation préalable. À la différence des aides de minimis, ces aides relèvent de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais, si les conditions du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) de la Commission, du 17 juin 2014, sont remplies, elles peuvent échapper à l’obligation de notification préalable et être octroyées directement.

Les aides destinées à « compenser » les coûts des obligations de service public peuvent également échapper à l’obligation de notification préalable en application de textes de droit dérivé.

 

Pour aller plus loin

Que notifier ?

Tous les projets d’aides nouvelles - par opposition aux aides existantes - qu’ils portent sur des aides individuelles ou des régimes d’aides doivent être notifiés.

Une modification d’une aide existante, autre qu’un changement de caractère purement formel ou administratif, qui ne serait pas de nature à avoir d’influence sur l’évaluation de sa compatibilité avec le marché commun, doit être notifiée. Une augmentation du budget initial d’un régime d’aides existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée par la Commission comme devant être soumise à notification [cf. art. 4 du règlement (CE) no 794/2004].

Déterminer ce qui doit être notifié n’est pas un exercice aisé pour les États membres puisqu’il implique non seulement de vérifier si tous les critères énoncés à l’article 107, paragraphe 1, TFUE sont remplis mais aussi, le cas échéant, si l’aide d’État peut être considérée comme compatible avec le marché intérieur. En cas de doute, la notification présente en tout état de cause l’intérêt de sécuriser juridiquement le projet.

S’agissant des aides de minimis, le règlement (UE) no 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 fixe un seuil de 200 000 EUR sur une période de trois ans pour l’entreprise bénéficiaire, pour les secteurs auxquels il s’applique, qui est réduit à 100 000 EUR pour les aides octroyées aux activités de transports de marchandises par route. Ce texte impose des obligations aux États membres permettant à la Commission d’en contrôler le respect. Dans le secteur de l’agriculture, le règlement (UE) no 1408/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, fixe un seuil bien moins élevé, de 20 000 EUR. S’agissant des aides destinées à « compenser » les services publics, le régime des aides de minimis est fixé par le règlement (UE) no 360/2012 de la Commission, du 25 avril 2012, qui fixe un seuil de 500 000 EUR sur une période de trois ans pour l’entreprise bénéficiaire. Ce texte prévoit notamment qu’une aide de minimis octroyée au titre de ce règlement n’est pas cumulable avec une compensation financière octroyée pour le même service d’intérêt économique général, que celle-ci constitue ou non une aide d’État.

Les aides d’État dites « exemptées », relèvent, en revanche, de l’article 107, paragraphe 1, TFUE mais échappent à l’obligation de notification préalable. Le règlement général d’exemption par catégorie de la Commission de 2014 vise à cet égard un très large éventail de catégories de mesures, telles que les aides à finalité régionale, aux petites et moyennes entreprises, à la recherche, au développement ou à l’innovation. Ce régime d’exemption constitue un pilier de la réforme sur la modernisation des aides d’État de la Commission, initiée en 2012. L’objectif poursuivi est d’alléger la charge administrative des États membres pour l’octroi d’aides qui peuvent être aisément considérées, ex ante, comme compatibles avec le marché intérieur, et de permettre à la Commission de se concentrer sur les projets d’aides d’État plus problématiques. En pratique, depuis 2015, plus de 95 % des nouvelles aides seraient ainsi dispensées de notification.

De même, des aides d’État « sous forme de compensations de service public » peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur (en application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE) et échapper à l’obligation de notification préalable lorsqu’elles respectent les critères fixés par la décision 2012/21/CE de la Commission du 20 décembre 2011. Pour les compensations des coûts de service public dans le domaine du transport de voyageurs par chemin de fer et par route, un régime similaire est prévu par le règlement (CE)°no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007.

Quand ?

La notification doit intervenir en temps utile pour que la Commission ait le temps nécessaire de l’examiner et nécessairement avant la date d’octroi de l’aide notifiée, qui est susceptible de varier en fonction de la nature de l’aide en cause.

Cette notification peut être utilement précédée, en pratique, d’une phase de prénotification entre les autorités nationales et la Commission, dont le déroulement a été formalisé par la Commission dans un code de bonnes pratiques. Il s’agit d’une étape préalable permettant aux services de cette Institution de procéder à un premier examen du projet et d’en faciliter la notification et l’examen ultérieurs. Dans ce cadre, la Commission peut convenir avec l’État membre d’une « planification amiable » fixant la durée probable de la procédure d’examen.

Par qui et comment ?

La notification est faite par l’État membre qui octroie l’aide.

Elle doit être complète et comprendre tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission de prendre une décision. Si la Commission considère que tel n’est pas le cas, elle demande tous les renseignements complémentaires dont elle estime avoir besoin. Lorsque l’État membre ne fournit pas les informations requises dans les délais fixés, y compris après un rappel de la Commission, la notification pourra être réputée avoir été retirée.

La Commission a précisé les modalités pratiques de la notification dans le règlement (UE)° no 794/2004 du 21 avril 2004, qui comporte notamment un formulaire type. Pour certaines modifications d’aides existantes, ce texte prévoit l’utilisation d’un formulaire de notification simplifiée.

-Conséquences attachées à la violation de l’obligation de notification (absence de notification, notification irrégulière ou notification non suspensive)

L’aide accordée en violation de l’obligation de notification est dite « illégale », ce qui doit être distingué de la question de savoir si elle est compatible ou incompatible avec le marché intérieur. Le régime juridique des aides illégales est relativement complexe compte tenu des compétences respectives des différents acteurs concernés (État membre, juridictions nationales, Commission). Il a fait l’objet d’une communication de la Commission, publiée en 2019. Dans les grandes lignes, il revient à l’État membre concerné de récupérer l’aide qu’il a octroyée illégalement et aux juridictions nationales de tirer les conséquences de la violation de l’obligation de notification préalable. Cependant, si la Commission a décidé que cette aide illégale est compatible avec le marché intérieur, les juridictions nationales ne sont pas tenues d’en ordonner la récupération mais doivent exiger le paiement d’intérêts sur les sommes mises illégalement à la disposition de l’entreprise concernée [CJUE, 12 février 2008, Centre d’exportation du livre français (CELF) et Ministre de la Culture et de la communication, C-199/06].

 

Jurisprudences pertinentes

CJUE, 12 février 2008, Centre d’exportation du livre français (CELF) et ministre de la Culture et de la Communication, C-199/06

CJCE, 11 décembre 1973, Gebrüder Lorenz, aff. 120/73

 

Bibliographie

Communication de la Commission relative à la mise en œuvre des règles en matière d’aides d’État par les juridictions nationales (JOUE 2021, C 305, p. 1).

Communication de la Commission sur la récupération des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur (JOUE 2019, C 247, p. 1).

Code de bonnes pratiques pour la conduite des procédures de contrôle des aides d’État (JOUE 2018, C 253, p. 14).

Règlement (UE) 2015/1588 du Conseil, du 13 juillet 2015, sur l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JOUE 2015, L 248, p. 1).

Règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JOUE 2015, L 248, p. 9).

Règlement (UE) n°651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (JOUE 2014, L 187, p. 1).

Règlement (UE)° n°1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis (JOUE 2013, L 352, p. 1).

Règlement (UE) n°1408/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture (JOUE 2019, L 352, p. 9).

Règlement (UE) n° 360/2012 de la Commission, du 25 avril 2012, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis accordées à des entreprises fournissant des services d’intérêt économique général (JOUE 2012, L 114, p. 8)

Décision 2012/21/UE, de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fondement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2012, L 7, p. 3).

Règlement (CE) n°1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) n°1191/69 et (CEE) n°1107/70 du Conseil (JOUE 2007, L 315, p. 7).

Règlement (CE) n°794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JOUE 2004, L 140, p. 1).

Auteur

Citation

Emmanuelle Broussy, Aide d’Etat (notification), Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 88914

Visites 1823

Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Article 2 Règlement (CE) No 659/1999 Du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE : (1) Sauf indication contraire dans tout règlement pris en application de l’article 94 du traité ou de toute autre disposition pertinente de ce dernier, tout projet d’octroi d’une aide nouvelle est notifié en temps utile à la Commission par l’État membre concerné. La Commission informe aussitôt l’État membre concerné de la réception d’une notification ; (2) Dans sa notification, l’État membre concerné fournit tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission de prendre une décision conformément aux articles 4 et 7 (« notification complète »). Commission européenne

 
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