Aide d’État (compatibilité)

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

L’aide d’Etat est un concept spécifiquement européen, qui a pour objectif de maintenir un fonctionnement normal du marché, en permettant le contrôle des interventions de l’Etat. Ces dernières prennent la forme de faveurs consenties à un opérateur ou à un ensemble d’opérateurs – généralement sous forme de subventions, mais pas uniquement – qui faussent ou menacent de fausser la concurrence sur le marché de référence et affectent le commerce entre les Etats membres.

La règlementation des aides d’Etat est essentiellement contenue dans les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui identifient les critères de l’aide d’Etat sans les enfermer dans une définition trop restrictive. Ces textes posent l’incompatibilité de principe des aides et organisent les modalités de contrôle de la Commission sur les aides qui sont compatibles de plein droit ou peuvent le devenir si elles répondent aux conditions posées par les organes européens et après notification des Etats membres auprès de la Commission européenne.

Les termes généraux de l’article 107 TFUE permettent de couvrir la quasi-totalité des situations pouvant être rencontrées en matière d’aides d’Etat. Ce système confère un très large pouvoir d’appréciation à la Commission, sous le contrôle de la Cour de Justice et permet une souplesse non négligeable du mécanisme. Au-delà des subventions, le régime peut viser dès lors des interventions qui allègent les charges qui grèvent le budget des entreprises, telles que les exonérations fiscales ou les facilités de paiement.

Ce même texte permet d’adapter le régime des aides d’Etat pour tenir compte de situations exceptionnelles. Pour contrer l’impact du Covid-19, la Commission a adopté le 19 mars 2020 une communication portant « cadre temporaire pour l’adoption de mesures assouplissant le régime des aides d’Etat pour tenir compte de l’impact du Covid-19 sur le territoire de l’Union européenne ». Par la suite, et dans le cadre de cette communication, la Commission a approuvé le 3 avril 2020, 29 mesures présentées par les 16 Etats membres, dont deux mesures françaises.

 

Pour aller plus loin

L’article 107 TFUE dans son mécanisme repose sur un principe d’incompatibilité avec le marché commun des aides d’Etat et identifie quatre critères cumulatifs pour caractériser une aide : (a) l’aide est accordée par un Etat ou au moyen de ressources d’Etat, (b) elle avantage une ou des entreprises ou un ou des secteurs d’activité économique, (c) elle fausse ou menace de fausser la concurrence sur le marché et (d) elle affecte le commerce entre les Etats membres.

S’agissant du premier critère, il suppose non seulement que les avantages aient été « accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’Etat  » mais aussi qu’ils soient « imputables à l’Etat » (CJCE, 16 mai 2002, aff. C-482/99, France c/ Commission).

Ensuite, concernant le deuxième critère, la mesure en cause doit être susceptible de constituer un avantage consenti à l’entreprise bénéficiaire. Il ressort d’une jurisprudence bien établie que sont ainsi concernées toutes les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui sont à considérer comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (CJCE, 11 juillet 1996, aff. C-39/94, SFEI et a. c/ La Poste et Chronopost). Cet avantage doit également être sélectif, de sorte que, dans une situation juridique et factuelle comparable, les mesures visées constituent un avantage uniquement pour certaines des entreprises (CJCE, 6 septembre 2006, aff. C-88/03, Portugal c/ Commission).

Les deux derniers critères, sont interprétés largement par la jurisprudence. La concurrence est ainsi faussée dès lors que l’intervention de l’État provoque un changement de certains éléments du coût de production ou d’exploitation de l’entreprise bénéficiaire de nature à renforcer sa position par rapport aux entreprises concurrentes (CJCE, 17 septembre 1980, aff. 730/79, Philip Morris c/ Commission). S’agissant de l’affectation des échanges entre Etats membres, il n’est pas nécessaire d’établir une incidence réelle de l’aide sur les échanges (CJCE, 30 avril 2009, aff. C-494/06 P, Commission c/ Italie et Wam), ce qui permet d’inclure des aides même relativement faibles ou des entreprises de taille relativement modestes.

Toutefois, les règlements européens prévoient des aides de minimis, dont le montant est considéré comme suffisamment faible pour que ces aides ne puissent satisfaire à tous les critères de l’article 107 TFUE. Tel est le cas des aides n’excédant pas un plafond de 200 000 euros sur une période de trois ans qui sont réputées ne pas menacer de fausser la concurrence. De même, les aides de faible importance (500 000 euros sur les trois exercices fiscaux) et accordées à des entreprises en charge d’un service d’intérêt économique général (SIEG) sont dispensées de l’obligation de notification (v. les règlements UE n°360/12 du 25 avril 2012 et n° 1407/2013 du 18 décembre 2013).

Selon l’article 108 TFUE, la Commission européenne constitue l’organe principal de contrôle de la compatibilité des aides d’Etat pour l’Union européenne. Elle procède non seulement au contrôle des aides existantes mais aussi à l’examen préalable des aides nouvelles, notifiées par les Etats membres.

Pour les aides nouvelles, l’article 108(3) du TFUE impose une obligation de notification pour tout projet d’aide par l’Etat membre concerné, dès lors qu’elle entre dans le champ d’application du régime et ne peut bénéficier d’une exemption. Cette notification a pour effet de suspendre la mise en exécution du projet au cours de la procédure d’examen préliminaire jusqu’à décision d’autorisation.

Pour les aides existantes (e.g. une aide octroyée avant l’entrée en vigueur du régime de contrôle des aides d’Etat), il existe une présomption de compatibilité. Elles peuvent être ainsi régulièrement exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité (CJUE, 16 avril 2015, aff. C-690/13, Trapeza Eurobank Ergasias). Sur la base des rapports annuels dressés par les Etats membres, et avec le concours de ces derniers, la Commission peut procéder à l’examen des aides existantes et proposer si besoin certaines mesures pour les modifier ou supprimer.

Toute aide nouvelle mise à exécution en violation de l’article 108(3) TFUE est à considérer comme une « aide illégale ». La Commission peut alors enjoindre à l’Etat membre concerné de suspendre ou de récupérer provisoirement un aide qu’elle juge illégale, jusqu’à qu’elle statue sur la compatibilité avec le marché intérieur. Si à l’issue de cette procédure la Commission adopte une décision dite « négative », alors l’Etat membre concerné devra prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer « sans délai  » l’aide auprès de son bénéficiaire, à moins que cela heurte un principe général de droit. L’absence ou l’insuffisance des actions entreprises par les autorités nationales pourra conduire à une procédure en manquement devant la Cour de justice.

 

Jurisprudences pertinentes

CJUE, 8 septembre 2011, aff. C-279/08P, Commission c/ Pays-Bas

CJCE, 10 janvier 2006, aff. C-222/04, Cassa di Risparmio di Firenze et a

Com. Eur., déc. n°2005/418/CE du 7 juillet 2004 concernant les mesures d’aide mises à exécution par la France en faveur d’Alstom [notifiée sous le numéro C(2004) 2532]

CJCE, 16 mai 2002, aff. C-482/99, France c/ Commission

CJCE, 11 juillet 1996, aff. C-39/94, SFEI et a. c/ La Poste et Chronopost

CJCE, 15 juillet 1964, aff. 6/64, Costa c/ Enel

 

Bibliographie

K. Bacon, European Union Law of State Aid, Oxford University Press, 2013, 2e éd.

P. Girardet, F. Viala, S. Zuehlke, M. de l’Estang, State aid & COVID-19 : An overview of EU and national case law, 8 June 2020, e-Competitions State aid & Covid-19, Art. N° 95173

M. Karpenschif, Droit européen des aides d’État, Bruylant, Coll. Competition law, 2017, 2e éd.

Auteur

  • Willkie Farr & Gallagher (Paris)

Citation

Viala Faustine, Aide d’Etat (compatibilité), Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 89084

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Article 107 (ex-article 87 TCE) :

  1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
  2. Sont compatibles avec le marché intérieur : ((a) les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine des produits ; (b) les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ; (c) les aides octroyées à l’économie de certaines régions de la république fédérale d’Allemagne affectées par la division de l’Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division. Cinq ans après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter une décision abrogeant le présent point.
  3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur : (a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, ainsi que celui des régions visées à l’article 349, compte tenu de leur situation structurelle, économique et sociale ; (b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ; (c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ; (d) les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure contraire à l’intérêt commun ; (e) les autres catégories d’aides déterminées par décision du Conseil sur proposition de la Commission.

Article 108 (ex-article 88 TCE) :

  1. La Commission procède avec les États membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur.
  2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine. Si l’État en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre État intéressé peut saisir directement la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation aux articles 258 et 259. Sur demande d’un État membre, le Conseil, statuant à l’unanimité, peut décider qu’une aide, instituée ou à instituer par cet État, doit être considérée comme compatible avec le marché intérieur, en dérogation des dispositions de l’article 107 ou des règlements prévus à l’article 109, si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à l’égard de cette aide, la Commission a ouvert la procédure prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande de l’État intéressé adressée au Conseil aura pour effet de suspendre ladite procédure jusqu’à la prise de position du Conseil. Toutefois, si le Conseil n’a pas pris position dans un délai de trois mois à compter de la demande, la Commission statue.
  3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l’article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. © Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne
 
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