Cette première approche est, à certains égards, déjà restrictive car elle limite les accords de distribution aux seules relations entre professionnels (B-B), excluant ainsi leurs relations avec les consommateurs (B-C). Or considéré de manière plus globale, le droit de la distribution, en ce qu’il intéresse les règles applicables à l’opérateur « pivot » qu’est le distributeur, inclut, en amont, ses relations avec le fournisseur et, en aval, ses relations avec les consommateurs. Au demeurant, l’approche reste, à d’autres égards, assez large car même ainsi définis, les accords de distribution ont un domaine étendu et recouvrent des réalités multiples, confortées par le principe de la liberté contractuelle qui invite les opérateurs à faire œuvre d’inventivité. Le choix d’une formule contractuelle dépend de nombreux facteurs tenant aux conditions techniques et commerciales de distribution imposées par le produit ou service, aux besoins exprimés par les consommateurs, à la politique de développement choisie par le fournisseur, aux conditions de concurrence résultant du marché, au cadre juridique et contexte économique de l’opération envisagée. La diversité des formules contractuelles pratiquées dans un même secteur d’activité, pour une même opération voire un même produit (selon la distribution dite « multicanal ») ainsi que l’évolution constante de ces formules démontrent qu’il n’existe pas d’accord idéal de distribution. Pour autant, au-delà de la diversité des accords, certaines catégories émergent qui conduisent aux distinctions suivantes :
– L’accord de distribution peut être vertical ou horizontal, selon que les parties opèrent ou non au même stade de la chaîne économique (accord horizontal entre fournisseurs ou entre distributeurs tels les regroupements à l’achat au travers des centrales ; accord vertical entre fournisseur et distributeur, ou entre distributeurs placés à un échelon distinct tels un grossiste et un détaillant). Cette distinction emporte des conséquences surtout en droit de la concurrence où l’accord horizontal est généralement considéré comme potentiellement plus nocif.
– L’accord de distribution peut concerner la vente ou la revente, selon que le distributeur, soit prospecte une clientèle ou commercialise les produits pour le compte du fournisseur (il intervient alors en qualité de mandataire, agent commercial, VRP, commissionnaire, courtier…) ; soit achète et revend pour son compte. Cette distinction emporte de nombreuses conséquences, évidemment en droit des contrats (puisqu’en dépend la qualification et, partant, le régime applicable) mais également en droit de la concurrence puisque fondée sur l’action pour le compte d’autrui, la relation entre le distributeur et le fournisseur est susceptible d’être qualifiée de relation d’agence au sens du droit des pratiques anticoncurrentielles et d’échapper alors, dans une certaine mesure, au droit des ententes.
– L’accord de distribution peut, soit se ramener à de simples ventes ponctuelles dont la succession caractérise tout au plus une « relation commerciale » soumise à des règles particulières (V. infra) ; soit instaurer une relation privilégiée, renforcée et stable − en somme plus complexe que le simple achat-vente − entre les parties et reposer alors sur la combinaison d’un contrat-cadre de distribution qui définit les principales règles auxquelles sera soumise la relation, et des contrats d’applications qui correspondent aux ventes successives. Dans une conception étroite, la notion d’accord de distribution désigne d’ailleurs ces contrats-cadre et vise, à titre principal, le contrat d’approvisionnement exclusif (par lequel le distributeur s’engage à s’approvisionner qu’auprès d’un seul fournisseur), le contrat de distribution sélective (par lequel le fournisseur s’engage à vendre les produits uniquement à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis) le contrat de distribution exclusive – ou concession exclusive − (par lequel le fournisseur accepte de ne vendre ses produits qu’à un seul distributeur en vue de la revente sur un territoire déterminé) et le contrat de franchise (par lequel un franchiseur qui réussit dans une activité de distributeur notamment, permet à des franchisés de réitérer les éléments de cette réussite moyennant rémunération). Ces accords sont souvent destinés à mettre en place un réseau de distribution qui se caractérise par la multiplicité et la similarité des contrats qui le composent et dans lequel l’activité des distributeurs est ordonnée à celle du fournisseur. Dans l’ordre juridique international, en règle générale, ces contrats-cadre sont assimilés à des contrats de prestation de service, tandis que les contrats d’application correspondent à des contrats de vente.
La considération juridique des accords de distribution répond notamment à un objectif de protection du contractant ou du marché.
D’une part, la protection du contractant placé dans une situation de faiblesse précédent et/ou découlant de l’accord, face à un contractant en situation de force. La protection a d’abord été recherchée, avec plus ou moins de succès, du côté du droit commun des contrats et en particulier du devoir général de bonne foi (obligation d’information précontractuelle, contrôle de l’abus dans l’usage d’une prérogative unilatérale, obligation de renégocier, d’accorder un préavis ou d’indemniser en cas de rupture…). Au-delà, les accords de distribution ont fortement nourri la réflexion relevant de la théorie générale du contrat, où a été défendue l’idée que ces accords relevaient d’une catégorie plus générale qualifiée, selon les auteurs, de contrat de situation, contrat de durée, contrat de dépendance, contrat relationnel ou encore contrat d’intérêt commun, appelant un devoir renforcé de coopération. La jurisprudence s’y est toutefois montrée peu sensible. La protection a ensuite été recherchée du côté du droit spécial des contrats à travers des disposition visant à informer le distributeur intégrant un réseau (L. 330-3 C. com.), limiter la durée de l’exclusivité à laquelle il est soumis (L. 330-1 s. C. com.), faciliter sa sortie du réseau (L. 341-1 s. C. com.) ou encore créer des statuts applicables à certains distributeurs, principalement des intermédiaires du commerce, souvent inspirés du droit social (VRP, gérant de succursale, agent commerciaux…). La protection a enfin été recherchée du côté du droit des pratiques restrictives de concurrence qui vient lutter contre les abus de puissance dans les rapports entre professionnels (obtention un avantage manifestement excessif au regard de sa contrepartie ; soumission à un déséquilibre significatif ; rupture brutale d’une relation commerciale établie…). Au demeurant, ce droit spécial a inspiré la réforme du droit commun des obligations (sanction de la violence économique, du déséquilibre significatif dans les contrats d’adhésion…).
D’autre part, la protection du marché contre des accords de distribution qui, par la lourdeur des engagements qu’ils instaurent, telle l’obligation d’exclusivité, peuvent affecter le jeu de la concurrence. Le droit de la concurrence, national et européen, s’attache alors à réglementer ou contrôler les conditions d’établissement et de mise en œuvre des accords de distribution pour en modérer la portée anticoncurrentielle, à travers le droit des ententes, des abus de domination et des concentrations.