Accord (notion)

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

L’« accord » est l’une des formes d’entente visées, avec la « décision d’association » et la « pratique concertée », à l’article 101, premier alinéa, TFUE. Cet article énonce que sont interdits tous les accords entre entreprises susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur. Il en est de même de l’article L. 420-1 du code de commerce, qui, sans employer expressément le terme « accord », prohibe les « conventions », « ententes expresses ou tacites » ou « coalitions » lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.

La notion d’accord est axée sur l’existence d’un concours de volontés. Ainsi, pour qu’il y ait accord, il suffit que deux entreprises au moins aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêt du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma c/ Commission, aff. 41/69, pt 112).

Un concours de volontés portant seulement sur le principe même de la restriction de concurrence suffit pour caractériser l’existence d’un accord, même si les modalités concrètes de la restriction envisagée ne sont pas définies et font encore l’objet de négociations (arrêt du 16 juin 2011, Bavaria c/ Commission, aff. T 235/07, pts 35 et 175).

L’« accord » est une notion autonome qui se distingue de la notion juridique de contrat. La forme ou la qualification juridique de l’accord est indifférente. Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’un accord juridiquement valide et contraignant (arrêt du 11 janvier 1990, Sandoz prodotti farmaceutici c/ Commission, aff. C-277/87, pt 13). Il peut s’agir d’un accord écrit, verbal ou même tacite. Ainsi, un accord au sens de l’article 101 TFUE peut se matérialiser, par exemple, sous la forme d’un contrat, d’une transaction judiciaire, de conditions générales de vente, d’un « gentleman’s agreement », ou encore lors de réunions secrètes.

Par ailleurs, la notion d’« accord » ne se limite pas à des accords entre entreprises concurrentes opérant sur le même marché (accords dits « horizontaux ») ; elle vise également des accords entre entreprises opérant à des stades différents du processus économique (accords dits « verticaux »).

 

Pour aller plus loin

L’accord implique nécessairement au moins deux entreprises autonomes.

La jurisprudence retient le critère de l’unité économique, soit l’unité de comportement sur le marché, et non celui de la personnalité juridique distincte, pour déterminer si les relations entre deux entités sont susceptibles d’être constitutives d’un accord entre deux entreprises (arrêt du 12 janvier 1995, Viho c/ Commission, aff. T-102/92, pt 51). Il est considéré que, en l’absence de concours de volontés indépendantes, les relations au sein d’une unité économique ne peuvent être constitutives d’un accord.

Il en découle que les comportements entre des entreprises appartenant à un même groupe de sociétés ne sont pas nécessairement susceptibles de constituer un accord. Tel est le cas, en particulier, des rapports entre une filiale et sa société mère lorsque cette filiale ne jouit pas d’une autonomie réelle dans la détermination de la ligne d’action sur le marché (arrêt du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries c/ Commission, aff. 48/69, pt 134). À cet égard, il existe une présomption réfragable qu’une filiale constitue une seule unité économique avec sa société mère qui la contrôle à 100 % (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a. c/ Commission, aff. C-97/08 P, pt 60). En l’absence de détention du capital à 100 %, l’existence d’une unité économique peut être déduite d’un faisceau d’éléments concordants (arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips c/ Commission, aff. C 407/08 P, pt 65).

De même, une société qui agit au nom et pour le compte de son commettant forme une unité économique avec celui-ci si elle ne détermine pas son comportement de manière autonome. Ainsi lorsqu’un agent applique les instructions données par son commettant, sans assumer de risques, un accord ne peut être caractérisé dans le cadre de ce rapport (arrêt du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler c/ Commission, T-325/01, pt 88).

Par ailleurs, la jurisprudence opère une distinction entre les décisions adoptées unilatéralement par une entreprise, lesquelles ne relèvent pas de la notion d’accord, et celles qui ne sont qu’en apparence unilatérales, et reflètent en réalité un concours de volontés entre plusieurs entreprises. En particulier, a été développée la thèse selon laquelle, dans le cadre de relations commerciales continues entre un fabricant et ses distributeurs, la politique commerciale décidée par le fabricant pouvait révéler un accord entre ces entreprises. Il a, par exemple, été jugé que la poursuite des relations contractuelles en dépit de l’envoi par le fournisseur de factures sur lesquelles figurait la mention « exportations interdites » pouvait caractériser un accord tendant à restreindre les importations parallèles (Sandoz prodotti farmaceutici c/ Commission, préc., pt 11).

Le Tribunal et la Cour de justice de l’Union européenne ont néanmoins clarifié qu’une invitation et une acceptation, tacite ou expresse, étaient nécessaires pour conclure à l’existence d’un accord (arrêts du 6 janvier 2004, BAI et Commission c/ Bayer, aff. jtes C-2/01 P et C-3/01 P, pt 141 et du 26 octobre 2000, Bayer c/ Commission, aff. T-41/96). En conséquence, lorsque le cocontractant refuse l’invitation ou adopte un comportement contraire, il ne peut être conclu à l’existence d’un accord. Ainsi, le seul fait qu’une mesure adoptée par une entreprise s’inscrive dans le cadre de relations commerciales continues avec une autre entreprise ne suffit pas à établir un concours de volontés entre ces entreprises. Par exemple, une évolution illégale de conditions contractuelles ne peut être qualifiée d’accord sans que soit établi l’acquiescement du cocontractant (arrêt du 3 décembre 2003, Volkswagen c/ Commission, aff. T-208/01, pt 45).

 

Jurisprudences pertinentes

CJUE, 1er juillet 2010, Knauf Gips c/ Commission, aff. C 407/08 P, EU:C:2010:389

CJCE, 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a. c/ Commission, aff. C-97/08 P, EU:C:2009:536

CJCE, 6 janvier 2004, BAI et Commission c/ Bayer, aff. jtes C-2/01 P et C-3/01 P, EU:C:2004:2

CJCE, 11 janvier 1990, Sandoz prodotti farmaceutici c/ Commission, aff. C-277/87, EU:C:1990:6

CJCE, 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries c/ Commission, aff. 48/69, EU:C:1972:70

CJCE, 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma c/ Commission, aff. 41/69, EU:C:1970:71

Trib. UE, 16 juin 2011, Bavaria c/ Commission, aff. T-235/07, EU:T:2011:283

TPICE, 15 septembre 2005, DaimlerChrysler c/ Commission, T-325/01, EU:T:2005:322

TPICE, 3 décembre 2003, Volkswagen c/ Commission, aff. T-208/01, EU:T:2003:326

TPICE, 26 octobre 2000, Bayer c/ Commission, aff. T-41/96, EU:T:2000:242

TPICE, 12 janvier 1995, Viho c/ Commission, aff. T-102/92, EU:T:1995:3

 

Bibliographie

Decocq, A. et G., Droit de la concurrence, LGDJ, 7ème ed., 2016

Desaunettes-Barbero, L. et Thomas, E., Droit matériel européen des abus de position dominante, 1ère édition, Bruxelles, Bruylant, 2019

Petit. N., Droit européen de la concurrence, Montchrestien, 2013

Auteur

Citation

Alice Jacquin, Accord (notion), Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 86410

Visites 2028

Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Se caractérisent ainsi les accords exprès ou tacites conclus dans leur intérêt mutuel par des entreprises normalement concurrentes. Les accords en vue de restreindre la concurrence peuvent porter sur les prix, la production, les marchés et la clientèle. Ils sont souvent assimilés à des ententes (cartels) ou à des actes de collusion et constituent, dans la plupart des pays, une violation du droit de la concurrence, car ils ont pour effet d’accroître les prix, de limiter la production et s’accompagnent d’autres conséquences économiquement nocives. Ces accords peuvent être conclus de façon très formelle et détaillée et faire l’objet d’une convention écrite et explicite entre les parties ; ils peuvent être implicites et consister en engagements que les parties conviennent tacitement de respecter. Un accord exprès n’est pas nécessairement « déclaré », c’est-à-dire publiquement observable par les tiers. Au contraire, la plupart des accords comportant des pratiques anticoncurrentielles sont généralement occultes et leur existence n’est pas facilement décelable par les autorités de la concurrence. Tous les accords entre entreprises ne portent pas toujours atteinte à la concurrence et ils ne sont pas nécessairement interdits en droit de la concurrence. Dans plusieurs pays, le droit de la concurrence prévoit l’exemption de certains accords de coopération qui peuvent favoriser une plus grande efficience et un changement dynamique sur le marché. A titre d’exemple, les accords entre entreprises en vue de la mise au point uniforme de normes de produits peuvent être autorisés lorsqu’ils permettent de réaliser des économies d’échelle, une plus large utilisation du produit et la diffusion de technologies. De même, les entreprises peuvent être autorisées à coopérer en matière de recherche et de développement (R&D), à échanger des données statistiques ou à constituer des entreprises communes à l’occasion de grands projets industriels, afin de s’en répartir les risques et de rassembler les capitaux nécessaires. Mais, en général, il n’y a exemption que si l’accord ou l’arrangement conclu ne sert pas de fondement à une entente sur les prix ou à toute autre pratique portant atteinte à la concurrence. © OCDE

 
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