L’accès au dossier de l’Autorité de la concurrence, par l’auteur supposé de pratiques
anticoncurrentielles, constitue une garantie essentielle résultant des droits de la défense. Mais
il concerne aussi les plaignants ainsi que toutes les procédures devant l’Autorité et il est
impacté par les secrets d’affaires.
Accès de l’auteur supposé des pratiques
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 17 janvier 1989 (88-248-DC), a jugé
qu’aucune sanction administrative ne peut être prononcée par une autorité administrative
indépendante (en l’espèce le CSA), sans que, conformément au principe du respect des droits
de la défense, la personne concernée « ait été mis à même tant de présenter ses observations
sur les faits qui lui sont reprochés que d’avoir accès au dossier le concernant”.
L’accès au dossier permet à l’entreprise à laquelle des griefs sont notifiés de connaître les
pièces du dossier constitué par les rapporteurs de l’Autorité durant leur instruction. Cet accès
lui permet de débattre contradictoirement, voire de contester, les preuves qui y figurent.
Toutefois, cet accès, qui est également ouvert à la partie plaignante, ne l’est qu’après la
notification de griefs, aucun accès au dossier n’étant ménagé aux parties pendant la phase
d’enquête, non contradictoire, antérieure à la notification de griefs.
Selon l’article L.463-2 du code de commerce, « Sans préjudice des mesures prévues à
l’article L. 464-1, le rapporteur général ou un rapporteur général adjoint désigné par lui
notifie les griefs aux intéressés ainsi qu’au commissaire du Gouvernement, qui peuvent
consulter le dossier sous réserve des dispositions de l’article L. 463-4 et présenter leurs
observations dans un délai de deux mois ».
Les rapporteurs, désignés par le rapporteur général pour instruire une affaire, procèdent à des
actes d’instruction, comme par exemple des auditions des personnes concernées ou des tiers,
qui sont consignés dans des procès-verbaux versés au dossier. Par ailleurs, les pièces
recueillies au cours de l’enquête sont également versées au dossier.
Ce dossier est consultable au siège de l’Autorité selon des modalités prévues dans le
règlement intérieur de l’Autorité.
La consultation s’opère en présence d’un agent du service de la procédure et de la
documentation, qui permet à la partie ou à son conseil d’accéder à la totalité du dossier à
l’exception des informations, documents ou parties de documents ayant fait l’objet, à l’égard
de cette partie, d’une mesure de protection des secrets d’affaires. Les parties et leurs conseils
peuvent réaliser une copie de documents ou de parties de documents, à condition que cette
opération soit compatible avec les moyens matériels de l’Autorité.
Accès des parties saisissantes
Les parties saisissantes ont non seulement accès au dossier dans les cas où des griefs ont été
notifiés, mais également en cas de rejet de leur saisine pour défaut d’éléments probants (L.
462-8 du code de commerce) ou de proposition de non-lieu (article L. 464-6 du code de
commerce).
Secret des affaires
L’accès au dossier est effectué sous réserve du respect du secret des affaires. Il s’agit
notamment d’éviter que les parties ne saisissent l’Autorité que dans le but d’accéder à des
secrets d’affaires de concurrents.
Le dossier auquel accèdent les parties doit donc être expurgé de ces secrets. Le rapporteur
général de l’Autorité statue sur les demandes de protection des parties 1 et ses décisions sont
susceptibles de recours immédiat devant la Cour d’appel de Paris 2 , les ordonnances de cette
juridiction pouvant, à leur tour, faire l’objet d’un pourvoi. Un usage dilatoire de ces
dispositions peut constituer une source d’allongement considérable des procédures de
l’Autorité.
Conseiller auditeur
Le conseiller auditeur de l’Autorité, dont les compétences sont prévues à l’article R. 461-9 du
code de commerce, peut être saisi de difficultés d’accès au dossier, après la notification de
griefs. Ses pouvoirs, non coercitifs, font de lui un médiateur de procédure. Il peut, notamment,
appeler l’attention du collège dans son rapport, sur une question d’accès au dossier.