La jurisprudence constante de l’Union européenne caractérise une vente liée comme étant abusive lorsque quatre critères cumulatifs sont présents :
- Le produit ou service lié est distinct du produit ou service liant. Sur ce point, il est important de rappeler que deux produits/services complémentaires peuvent être considérés comme distincts si les clients pourraient émettre le souhait de les acquérir via différentes sources (TPICE, 17 septembre 2007, Microsoft c/ Commission, aff. T-201/04, pt 922) ;
- L’entreprise détient une position dominante sur le marché du produit/service « liant ». Il est à noter que les effets anticoncurrentiels peuvent être retenus sur le marché du produit/service lié, là où l’entreprise ne détient pas formellement de position dominante, mais sur lequel elle étend indument son pouvoir de marché en se servant de son produit/service liant comme d’un levier ;
- L’entreprise subordonne l’acquisition du produit/service liant à l’obtention du produit/service lié. Sur ce point, l’Autorité de concurrence pourra s’appuyer sur des plaintes de clients désireux de n’obtenir de l’entreprise que l’un ou l’autre des produits / services concernés par la liaison. Les témoignages et autres devis émanant d’entreprises concurrentes intéressées par la pénétration du marché du produit / service lié pourront également être mobilisés ;
- La pratique de vente liée doit être de nature à restreindre la concurrence (ibid., pts 842, 869 et 1058). A ce sujet, l’autorité de concurrence va apprécier les preuves constitutives d’une stratégie d’éviction potentielle ou effective, notamment en observant la façon dont l’entreprise dominante a pu s’extraire de la concurrence en prix, ou la façon dont ses parts de marché ont évolué (dans le sens d’une augmentation substantielle sur la durée de la pratique, ou d’une moindre réduction qu’attendu). Réciproquement, l’autorité de concurrence appréciera les difficultés de pénétration ou de maintien des concurrents sur le marché du produit / service lié. L’ancienneté et le caractère régulier de la pratique pourront également être retenus comme des éléments susceptibles tant de caractériser le comportement abusif que d’en aggraver les effets anticoncurrentiels (orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article [102 TFUE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (2009/C 45/02), pt 20).
Dans le cadre d’une approche basée sur les effets, il est à noter que l’autorité de concurrence pourra opérer la balance entre les effets anticoncurrentiels et les gains d’efficience permis par la pratique de vente liée. Une telle pratique peut effectivement se justifier, par exemple, par la réduction des coûts permise par les économies d’échelle liées à la concentration de la production, ou encore des gains de qualité pour le consommateur du fait d’une meilleure interopérabilité entre le produit /service liant et le produit / service lié. Dans les secteurs intangibles, des risques de sécurité liés à l’ouverture de l’interface logicielle du service liant peuvent également être retenues.