Comme l’a souligné le juge de l’Union, « en droit [de l’UE] et aux fins de l’application des règles de concurrence du [TFUE], il n’existe ni de définition réglementaire claire et précise de la notion de mission SIEG, ni de concept juridique établi fixant, de manière définitive, les conditions qui doivent être réunies pour qu’un État membre puisse valablement invoquer l’existence et la protection d’une mission SIEG (…) au sens de l’article [106, para. 2, TFUE] » (v. TPICE, 12 février 2008, BUPA, aff. T-289/03, pt 165). Les États membres se voient ainsi reconnaître « un large pouvoir d’appréciation quant à la définition de ce qu’ils considèrent comme [des] SIEG et (…) la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en question par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste » (v. Trib. UE, 1er mars 2017, France c/ Commission, aff. T‑366/13, p 92). Pour autant, leur pouvoir de définition « n’est pas illimité et ne peut être exercé de manière arbitraire aux seules fins de faire échapper un secteur particulier à l’application des règles de concurrence » (v. Trib. UE, 15 novembre 2018, Stichting Woonlinie e.a. c/ Commission, aff. jtes T-202/10 RENV II et T-203/10 RENV II, pt 80).
Dans le respect de cette compétence, la Cour de justice privilégie une approche fonctionnelle en insistant sur les contraintes qui pèsent sur l’entreprise concernée (pour le SIEG postal : CJCE, 19 mai 1993, Corbeau, aff. C-320/91, pt 15 ; dans le même sens pour le SIEG de l’électricité : CJCE, 27 avril 1994, Commune d’Almelo, aff. C-393/92, pt 48 ; pour une application par le juge national : CE, 10 juillet 2020, n° 423901). Cette approche sera consacrée par le législateur de l’UE à travers notamment la notion de service universel.
Quant à la Commission, elle voit dans la notion de SIEG « la prestation d’un service qu’un opérateur, s’il considérait son propre intérêt commercial, n’assumerait pas ou n’assumerait pas dans la même mesure ou dans les mêmes conditions » (v. pts 45 et 47 de la communication de la Commission relative à l’application des règles de l’UE en matière d’aides d’État aux compensations octroyées pour la prestation de SIEG). Selon elle, il n’est pas opportun de recourir à un SIEG là où un service est déjà fourni par le marché ou peut l’être de façon satisfaisante et dans des conditions (prix, caractéristiques de qualité objectives, continuité et accès au service) compatibles avec l’intérêt général, tel que le définit l’État, par des entreprises exerçant leurs activités dans des conditions commerciales normales (v. pt 48 de la communication SIEG, préc., et pt 104 de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C-817/18 P, préc.). Cette approche joue un rôle essentiel dans l’application du régime dérogatoire de l’article 106, paragraphe 2, TFUE qui exige un mandat clair des autorités publiques et qui implique que la gestion du SIEG puisse s’exercer « dans des conditions économiquement acceptables », sans pour autant exiger que l’équilibre financier ou la viabilité économique de l’entreprise mandatée soit menacé (v. CJUE, 3 mars 2011, AG2R Prévoyance, aff. C-437/09, pt 76). La notion de SIEG est enfin aussi au cœur du test dit « Altmark » pour écarter, sous certaines conditions, la qualification d’aide d’État pour les compensations de service public (v. en ce sens : aide d’État SA.49207 – France – Desserte maritime de la Corse post 2019 – Invitation à présenter des observations en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, JOUE n° C 260 du 7 août 2020, p. 20).