Restrictions accessoires

 

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Premier aperçu

Dans le sillage de la « règle de raison », inspirée de la « rule of reason » nord-américaine, la qualification de « restrictions accessoires » confère un traitement de faveur à certains comportements anticoncurrentiels lorsque ceux-ci se rattachent à une pratique licite. A partir du moment où l’opération principale n’est pas restrictive de concurrence, la restriction accessoire, c’est-à-dire directement liée et nécessaire à la réalisation de cette opération principale, n’a plus à faire l’objet d’une vérification de sa compatibilité.

Issue du droit des ententes, cette notion fait l’objet d’un strict encadrement en droit des concentrations.

Le règlement (CE) n°139/2004 du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations prévoit que Les décisions concluant à la compatibilité des opérations avec le marché sont réputées couvrir les restrictions accessoires, à condition que celles-ci soient directement liées et nécessaires à la réalisation de ces concentrations.

Il revient aux parties à l’opération de se livrer à une auto-appréciation (sur l’importance de la phase d’auto-évaluation Trib. UE, 28 juin 2016, Telefónica SA c/ Commission, aff. T-216/13 et Portugal Telecom SGPS c/ Commission, aff. T-208/13), avec l’aide de la communication relative aux restrictions accessoires, la Commission disposant d’un pouvoir résiduel pour en examiner le bien-fondé en présence de questions inédites ou non-résolues (2005/C 56/03, pt 2).

En l’absence de textes en droit interne, l’Autorité de la concurrence s’inspire des principes du droit européen en la matière (lignes directrices de l’ADLC relatives au contrôle des concentrations, 23 juillet 2020, pts 798 et s.).

Elle en admet la transposition pour les opérations de dimension nationale en relevant qu’il lui est possible d’examiner les restrictions attachées à l’opération lors de la phase I (C. com., art. L. 430-5) ou de la phase II du contrôle (C. com., art. L. 430-7).

En présence d’une restriction dont elle nierait le caractère accessoire, l’Autorité peut apprécier l’accord sous l’angle du droit des pratiques anticoncurrentielles. À moins que les parties aient renoncé à ces restrictions, le rapporteur général peut ainsi proposer à l’Autorité de se saisir d’office de l’analyse de leur conformité à l’article L. 420-1 du Code de commerce (C. com., art. L. 462-5, III ; lignes directrices de l’ADLC, pt 801). Par ailleurs, ne sont pas qualifiés de restrictions accessoires les accords qui ne limitent pas la « liberté d’action des parties sur le marché » ou qui « ne restreignent pas la concurrence » (ADLC, 10 mars 2016, n°16-DCC-34).

 

Pour aller plus loin

En droite ligne de l’adage selon lequel « l’accessoire suit le principal », le juge a d’abord dégagé la théorie dite des « restrictions accessoires » en accueillant la licéité d’une clause de non-concurrence, car celle-ci était stipulée dans un accord lui-même licite (CJCE, 11 juillet 1985, Remia BV e.a. c/ Commission, aff. 42/84). Les lignes directrices de 2004 relatives à l’application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE (ex-art. 81, para. 3, TCE) ont ensuite admis que les restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation de l’opération échappent à la prohibition des ententes, en marge de l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE et des exemptions individuelles (2004/C 101/08, pt 28 et s.).

Le règlement (CEE) no 4064/89 du 21 décembre 1989 en a édicté une première déclinaison en droit des concentrations (art. 8, para 2., al. 2). La Commission a ensuite rapidement publié une communication pour préciser sa méthode d’appréciation (90/C 203/06). L’examen de toutes les restrictions accessoires ayant néanmoins soulevé son lot de difficultés, la Commission a définitivement renoncé à leur analyse systématique en publiant une nouvelle communication en 2001 (2001/C 188/03). Le règlement (CE) no 139/2004 en a par la suite consacré le principe. La communication de 2005 fournit une grille d’analyse destinée à faciliter la phase d’autoévaluation par les parties à l’opération et recense les trois restrictions les plus courantes, à savoir : les clauses de non-concurrence, les accords de licence et les obligations d’achat et de livraison.

À propos du premier critère, c’est-à-dire celui du « lien direct » qui doit unir la restriction à l’opération, les parties doivent montrer que la restriction présente un «  lien évident » avec la concentration (communication 2005/C 56/03, pt 12 ; TPICE, 18 septembre 2001, Métropole Télévision (M6) e.a. c/ Commission, aff. T-112/99).

Le second critère relatif à la « nécessité » de la restriction porte quant à lui sur la démonstration selon laquelle, en l’absence de cette restriction, l’opération n’aurait pas pu être réalisée ou dans des conditions compromettant sa viabilité (communication 2005/C 56/03 , pt 12 ; CJUE, 11 septembre 2014, MasterCard Inc. e.a. c/ Commission, aff. C-382/12 P ; lignes directrices de l’ADLC, pt 801).

Lorsque les parties à l’opération portent à la connaissance de l’Autorité l’existence de restrictions accessoires et que celle-ci décide de les apprécier, elle s’assure de la réunion des deux conditions cumulatives requises par cette qualification. Conformément au droit européen (Métropole Télévision (M6) e.a. c/ Commission, préc., pts 105 et 106 ; MasterCard Inc. e.a. c/ Commission, préc., pt 89), l’Autorité veille à ce qu’elle soit « directement liée » et « objectivement nécessaire […] et proportionnée  » à la réalisation de l’opération (lignes directrices de l’ADLC, pt 801). Il en va ainsi d’une clause de non-concurrence ou de non-sollicitation imposée au vendeur, ou bien encore d’obligations d’achat et de livraison. Encore faut-il cependant que les clauses considérées soient limitées dans leur durée, leur étendue géographique et leur champ d’application matériel. La pratique décisionnelle de l’Autorité de la concurrence témoigne de sa vigilance à cet égard (v. not. Aut. conc., déc. no 09-DCC-74 du 14 décembre 2009, pt 23 et s. ; déc. no 19-DCC-217 du 25 novembre 2019, pt 25 et s.).

Il reste que la présomption de légalité attachée aux restrictions accessoires est régulièrement discutée, notamment parce que le caractère limité de leur définition rend le sort d’autres clauses incertain.

 

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Citation

Adrienne Bonnet, Restrictions accessoires, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 12357

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Restrictions imposées aux parties à un accord (y compris les accords relatifs à une opération de concentration) ne faisant pas l’objet premier de cet accord, mais étant directement liées et nécessaires à la réalisation des objectifs qu’il prévoit. Dans le cas d’accords de coopération, un exemple serait l’interdiction prévue par un accord de recherche et de développement d’exercer, indépendamment ou avec des tiers, des activités de recherche et de développement dans le domaine faisant l’objet de cet accord. Une obligation de non-concurrence imposée par l’acquéreur au vendeur pendant une période transitoire constitue un exemple de restriction accessoire à une opération de concentration. Voir le règlement sur les concentrations et la communication de la Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration (2005/C 56/03). Commission européenne

 
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