Règlement d’habilitation et règlement d’application

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

En droit de la concurrence, le Conseil peut prévoir, dans des actes non législatifs, des clauses habilitant la Commission à adopter, par voie de règlements, des dispositions pour la mise en œuvre des règles qu’il édicte.

Les règlements d’habilitation indiquent l’objet que les règlements d’application peuvent couvrir, précisent leurs modalités d’adoption et imposent qu’il y figure certaines dispositions, telles que celles relatives à leur application dans le temps.

Le recours aux habilitations poursuit deux objectifs : permettre à la Commission d’établir des règlements précisant des aspects procéduraux ou d’élaborer des règlements d’exemption par catégorie. Les règlements d’application s’inscrivent dans le cadre défini par l’habilitation (voir, à cet égard, arrêts Deutsche Tradax, point 10 ; Belgique/Commission, point 53 ; et Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, points 47 49).

Ainsi, en premier lieu, la Commission a adopté des règlements procéduraux en matière d’accords entre entreprises et de positions dominantes, d’aides d’État, et de contrôle des concentrations. En second lieu, elle a adopté des règlements d’exemption par catégorie à portée générale (relatifs, i.a., aux accords verticaux et horizontaux, et aux aides d’État) et à portée sectorielle (relatifs, i.a., aux accords dans le secteur de l’automobile, et aux aides dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche). Les règlements d’application ont une durée de validité limitée.

Depuis le Traité de Lisbonne, la compétence réglementaire de la Commission en ce qui concerne les exemptions par catégorie est inscrite dans le droit primaire.

 

Pour aller plus loin

Des dispositions de droit primaire autorisent le Conseil à prendre des règlements pour la mise en œuvre des règles de concurrence. La Cour a confirmé que ces règlements peuvent prévoir l’octroi d’une compétence réglementaire au profit de la Commission aux fins de l’adoption de dispositions d’application (arrêt ACF Chemiefarma, points 60 à 62).

COMPORTEMENTS VISÉS AUX ARTICLES 101 ET 102 TFUE. Conformément à l’article 103 TFUE, le Conseil adopte, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement, les règlements utiles en vue de l’application des principes figurant aux articles 101 et 102 TFUE, à la majorité qualifiée (article 16 TUE). Par ces actes, le Conseil a habilité la Commission à adopter des règlements d’application tant pour la mise en œuvre des règles de concurrence que pour exempter certains accords de la procédure de notification prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

• Règlements relatifs à la procédure

Par le règlement 17/62 (JO 13, 21.2.1962, p. 204), le Conseil a habilité la Commission à arrêter des dispositions d’application concernant certains aspects procéduraux (e.g., forme des notifications, auditions des intéressés). Remplacé par le règlement 1/2003 (JO L 1, 4.1.2003, p. 1), ce dernier habilite désormais la Commission à adopter toutes dispositions utiles en vue de son application, après, d’une part, publication du projet au Journal officiel afin de recueillir les observations de toutes les parties intéressées et, d’autre part, consultation du comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes.

Dans le cadre de l’habilitation du règlement 1/2003, la Commission a adopté le règlement 773/2004 (JO L 123 du 27.4.2004, p. 18), qui établit des règles régissant l’ouverture des procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE ainsi que le traitement des plaintes et l’audition des parties concernées.

Règlements d’exemption par catégorie

Sur le fondement de l’actuel article 103 TFUE, le Conseil a adopté des règlements habilitant la Commission à déclarer l’inapplicabilité des dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE à certaines catégories d’accords, par voie de règlement. Depuis le Traité de Lisbonne, l’habilitation de la Commission à cet égard repose sur le troisième paragraphe de l’article 105 TFUE, dès lors que le Conseil a adopté un règlement ou une directive relatif à l’article 103, paragraphe 2, alinéa b, TFUE.

 Accords verticaux

Par le règlement 19/65 (JO 36, 6.3.1965, p. 533), le Conseil habilite la Commission à déclarer, par voie de règlement, l’inapplicabilité des dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE à certaines catégories d’accords verticaux, à savoir tous types d’accords, passés entre plusieurs entreprises, relatifs à l’acquisition, la vente ou la revente de biens ou services, ou auxquels ne participent que deux entreprises et qui imposent des limitations en rapport avec l’attribution de droits de propriété industrielle.

Ainsi, la Commission a adopté, d’une part, le règlement 2022/720 (JO L 134, 11.5.2022, p. 4) relatif aux accords verticaux et, d’autre part, le règlement 316/2014 (JO L 93, 28.3.2014, p. 17) portant sur les accords de transfert de technologie. Outre ces règlements d’application à portée générale, la Commission a également adopté des règlements d’exemption par catégorie dans le secteur automobile [voir règlement 461/2010 (JO L 129, 28.5.2010, p. 52)].

 Accords horizontaux

Par le règlement 2821/71 (JO L 285, 29.12.1971, p. 46), le Conseil habilite la Commission à déclarer, par voie de règlement, l’inapplicabilité des dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE à certaines catégories d’accords horizontaux, ayant pour objet, notamment, la recherche et développement, ou la spécialisation.

La Commission a fait usage de cette habilitation en adoptant des règlements d’exemption pour certaines catégories d’accords, d’une part, en matière de recherche et de développement [règlement 1217/2010 (JO L 335, 18.12.2010, p. 36)] et, d’autre part, en matière de spécialisation [règlement 1218/2010 (JO L 335, 18.12.2010, p. 43)].

 Accords sectoriels

Premièrement, le Conseil a habilité la Commission à adopter des règlements d’exemption par catégorie, d’une part, dans le secteur des assurances [règlement 1534/91 (JO L 143, 7.6.1991, p. 1)] et, d’autre part, dans le secteur des transports aériens [règlement 487/2009 (JO L 148, 11.6.2009, p. 1)]. Après avoir pris divers règlements d’application dans ces secteurs, la Commission y a mis fin, progressivement, tirant les enseignements, notamment, de l’évolution de ces marchés.

Deuxièmement, dans le secteur des transports maritimes, le Conseil a adopté le règlement 246/2009 (JO L 79, 25.3.2009, p. 1), habilitant la Commission à adopter des règlements d’exemption par catégorie. Celle ci a fait usage de sa compétence en prenant des règlements concernant des catégories d’accords entre compagnies maritimes relatifs à l’exploitation en commun de services de transports maritimes de ligne [règlement 906/2009 (JO L 256, 29.9.2009, p. 31)].

AIDES D’ÉTATS. Conformément à l’article 109 TFUE, tous règlements utiles en vue de l’application des règles en matière d’aides d’État, telles qu’établies aux articles 107 et 108 TFUE, peuvent être adoptés, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement, par le Conseil, à la majorité qualifiée (article 16 TUE). Sur cette base, le Conseil a habilité la Commission à adopter des règlements relatifs tant aux conditions d’application de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qu’aux catégories d’aides dispensées de cette procédure.

• Règlements relatifs à la procédure

Par le règlement 2015/1589 (JO L 248, 24.9.2015, p. 9), le Conseil habilite la Commission à adopter des dispositions d’application limitées à certains aspects de la procédure, après, consultation du comité consultatif en matière d’aides d’État.

Conformément aux limites de cette habilitation, la Commission a adopté le règlement 794/2004 (JO L 140, 30.4.2004, p. 1), qui, dans sa dernière version, porte sur les règles relatives aux notifications, aux rapports annuels, aux délais, au taux d’intérêt et au traitement des plaintes.

• Règlements d’exemption par catégorie

Par le règlement 2015/1588 (JO L 248, 24.9.2015, p. 1), le Conseil habilite la Commission à adopter, après, d’une part, publication du projet afin de recueillir les observations toutes les personnes et organisations intéressées et, d’autre part, consultation du comité consultatif en matière d’aide d’État, des règlements d’exemption de la procédure de notification pour certaines catégories d’aides horizontales, soit considérées comme compatibles avec le marché commun du fait de la satisfaction de certains critères, soit du fait de leur faible montant.

Dans ce cadre, d’une part, le Conseil impose à la Commission, dans l’exercice de sa compétence réglementaire, qu’elle précise, notamment, l’objectif des aides concernées par l’exemption, les catégories de bénéficiaires, les seuils au delà desquelles l’exemption ne s’applique plus, ainsi que la durée de validité des règlements d’application.

D’autre part, l’habilitation est limitée à certains domaines (e.g., aides en faveur des PME, de la recherche et du développement, de la protection de l’environnement, de l’emploi et de la formation, de la culture, du secteur des transports et de certaines infrastructures à haut débit ; aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles et par certaines conditions climatiques défavorables dans le secteur de la pêche ; aides à l’innovation, au secteur forestier, au sport ; et aides à finalité régionale).

Sur le fondement de cette habilitation, la Commission a, premièrement, adopté un règlement général d’exemption par catégorie [règlement 651/2014 (JO L 187, 26.6.2014, p. 1)], ainsi que des règlements spécifiques d’exemption par catégorie dans les secteurs de l’agriculture [règlement 702/2014 (JO L 193, 1.7.2014, p. 1)] et de la pêche [règlement 1388/2014 (JO L 369, 24.12.2014, p. 37)].

Deuxièmement, la Commission a adopté un règlement général relatif aux aides de minimis [règlement 1407/2013 (JO L 352, 24.12.2013, p. 1)] ainsi que des règlements de minimis concernant les aides accordées aux entreprises fournissant des services d’intérêt économique général [règlement 360/2012 (JO L 114, 26.4.2012, p. 8)], la pêche [règlement 717/2014 (JO L 190, 28.6.2014, p. 45)] et l’agriculture [règlement 1408/2013 (JO L 352, 24.12.2013, p. 9)].

Le Traité de Lisbonne a ajouté un quatrième paragraphe à l’article 108 TFUE autorisant la Commission à adopter des règlements concernant les catégories d’aides d’État que le Conseil a déterminées, conformément à l’article 109 TFUE, comme pouvant être dispensées de la procédure prévue au paragraphe 3 de l’article 108 TFUE.

CONCENTRATIONS. Sur le fondement des articles 103 et 352 TFUE, le Conseil a adopté le règlement 4064/89 (JO L 395, 30.12.1989, p. 1), habilitant la Commission à arrêter des dispositions d’application concernant la forme, la teneur et les autres modalités des notifications, les délais d’engagement de la procédure et des décisions ainsi que les auditions des intéressés et des tiers. Afin de modifier le standard d’appréciation au fond des opérations de concentration, le Conseil remplaça ce règlement par le règlement 139/2004 (JO L 24, 29.1.2004, p. 1). Ce dernier reprend le contenu de l’habilitation donnée par le Conseil dans la dernière version du règlement 4064/89.

Conformément à cette habilitation, la Commission a adopté, après consultation du comité consultatif en matière de concentrations, le règlement 802/2004 (JO L 133, 30.4.2004, p. 1), qui fixe les règles de procédure pour la notification et l’examen des concentrations.

 

Jurisprudences pertinentes

Arrêt du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, EU:C:1970:71

Arrêt du 10 mars 1971, Deutsche Tradax, 38/70, EU:C:1971:24

Arrêt du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C 110/03, EU:C:2005:223

Arrêt du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T 69/04, EU:T:2008:415

 

Bibliographie

Alessandro Nucara, « Exemption Regulations », in « EU competition law : Procedure : antitrust, mergers, State aid », Vol. I, Claeys & Casteels, 2015, p. 217.

Daniel-Erasmus Khan, Chun-Kyung Paulus Suh, « Article 103 », in « European Union Treaties, Hart Publishing, 2015, p. 508

Manuel Kellerbauer, Gero Meeßen, « Article 103 TFEU », in « The EU Treaties and the Charter of Fundamental Rights : A Commentary », Oxford University Press, 2019, p. 1059

Tim Maxian Rusche, « Article 108 » et « Article 109 », in « The EU Treaties and the Charter of Fundamental Rights : A Commentary », Oxford University Press, 2019, p. 1167 et p. 1217

Auteur

  • General Court of the European Union (Luxembourg)

Citation

Vivien Terrien, Règlement d’habilitation et règlement d’application, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 12351

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Règlement d’habilitation :

Acte législatif par lequel le Conseil habilite la Commission à adopter la législation européenne dérivée (sous forme de règlements ou de directives), par exemple des règlements d’exemption par catégorie ou des règlements d’application.

© Commission européenne

Règlement d’application :

Acte législatif arrêté par la Commission, sur la base d’un règlement d’habilitation du Conseil, qui précise les dispositions du droit communautaire. À titre d’exemples de cette législation dérivée adoptée par la Commission dans le domaine du droit de la concurrence peuvent être cités le règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (JO n° L 123 du 27/04/2004 p. 18-24) et les différents règlements d’exemption par catégorie.

© Commission européenne

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