Prix de vente imposé

 

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Premier aperçu

Si le principe est celui de la libre fixation des prix déterminés par le jeu de la concurrence, il n’en demeure pas moins que la pratique consistant à imposer à un distributeur indépendant un prix de vente fixe ou minimal est en principe illicite.

Une telle pratique est en effet susceptible de constituer une pratique restrictive de concurrence au sens de l’article L.442-6 du Code de commerce, qui puni d’une « amende de 15.000 € le fait par toute personne d’imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale ».

La pratique de prix de vente imposés peut, en outre, constituer une entente au sens des articles L.420-1 du Code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE ») ou un abus de position dominante au sens des articles L.420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE et, à ce titre, être interdite comme constituant une pratique anticoncurrentielle.

Le règlement sur les restrictions verticales 2022/720, tel qu’interprété par les lignes directrices du 10 mai 2022, considère la pratique des prix de vente imposés – c’est-à-dire les accords ou pratiques concertées ayant directement ou indirectement pour objet l’établissement d’un prix de vente fixe ou minimal que l’acheteur est tenu de respecter – comme une restriction caractérisée qui doit être exclue du bénéfice de l’exemption par catégorie. En revanche, le fournisseur reste libre d’imposer un prix de vente maximal ou de conseiller un prix de revente, à condition que le revendeur conserve réellement la liberté de déterminer le prix de revente au public soit en dessous du prix maximal, soit sans se sentir lié par le prix conseillé. (Règl. (UE), n° 2022/70, 10 mai 2022, art. 4, a) et Comm. UE, Lignes directrices sur les restrictions verticales, 10 mai 2022, pts 185 et s.) La preuve d’une pratique d’entente sur les prix de revente suppose la démonstration d’un accord de volonté entre le fournisseur et son distributeur. Lorsque le prix de vente est directement fixé, la restriction est évidente. Ce concours de volonté peut se manifester à travers l’existence de preuves documentaires explicites, tels que des conditions générales de vente ou clauses contractuelles. (v. en ce sens, Aut. conc., n°21-D-26 du 8 novembre 2021)

Il arrive cependant plus fréquemment que des clauses contractuelles imposent un prix de vente fixe ou minimal par des moyens indirects ou dissimulés, par exemple en fixant la marge du distributeur ou le niveau maximal de réductions, en subordonnant l’octroi de ristournes au respect d’un niveau de prix déterminé, en liant le prix de revente imposé aux prix de vente pratiqués par la concurrence, ou encore en usant de mesures de contraintes (menaces, intimidations, avertissements) ou de sanctions (retards ou suspensions de livraison ou la résiliation de l’accord) en cas de non-respect d’un niveau de prix donné. Ces différents moyens peuvent être renforcés par des systèmes de surveillance des prix ou de dénonciation des distributeurs déviants. (Comm. UE, Lignes directrices sur les restrictions verticales, 10 mai 2022, pts 185 et s. ; voir notamment, pour un exemple récent de mesures de représailles et de sanctions, Aut. conc., n°20-D-20 du 3 décembre 2020, aff. Dammann Frères)

En l’absence de documents ou de clauses contractuelles claires établissant la concertation, les autorités françaises ont développé un test en trois temps pour démontrer le consentement des distributeurs à la politique de prix du fournisseur, résultant de la réunion d’un faisceau d’indices précis, grave et concordants constituée par (v. en ce sens, Aut. conc., n°07-D-50 du 20 décembre 2007 ou en sens inverse, Aut. conc., n°19-D-17 du 30 juillet 2019) : 1. l’évocation, entre le fournisseur et les distributeurs, des prix de vente au détail ; 2. la mise en place d’une police des prix auprès des distributeurs « déviants » ou au moins d’une surveillance des prix ; et 3. le constat que les prix de vente recommandés sont appliqués de manière significative par les distributeurs.

Les pratiques de prix imposés peuvent bénéficier de l’exemption individuelle prévue aux articles 101, paragraphe 3 du TFUE ou L.420-4 du Code de commerce lorsque les conditions cumulatives prévues à ces articles sont remplies : la preuve des gains d’efficience, le caractère nécessaire et proportionné de la restriction de concurrence, une répercussion des profits sur les utilisateurs finaux et l’absence d’élimination de toute concurrence sur le marché.

En ce sens, les lignes directrices sur les restrictions verticales mentionnent quatre hypothèses dans lesquelles une pratique de prix de vente imposés par le fournisseur pourrait se voir exempter en raison des gains d’efficience générés : une période de lancement d’un nouveau produit, une campagne de prix bas coordonnée de courte durée dans un réseau de distribution, le moyen d’empêcher un distributeur d’utiliser le produit comme produit d’appel, et la distribution de produits d’expérience ou complexes. (Comm. UE, Lignes directrices sur les restrictions verticales, 10 mai 2022, pt 197). A noter que le nouveau règlement sur les restrictions verticales est entré en vigueur le 1er juin 2022.

 

Pour aller plus loin

Par deux avis en date du 31 mai 2021, la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) est venue préciser ces règles, notamment s’agissant des pratiques consistant, premièrement, pour un fournisseur, à distribuer à des revendeurs des catalogues mentionnant des tarifs à destination des clients finaux et, deuxièmement, à imposer aux franchisés d’un réseau de distribution l’alignement sur les prix des produits annoncés sur le site internet dudit réseau. (CEPC, avis n° 21-4 et n°21-5 du 31 mai 2021)

A cette occasion, la CEPC rappelle notamment le principe de la distinction entre les prix de revente fixe ou minimal imposés (illicites) et les prix de revente conseillés (licites), ainsi que l’existence de tempéraments à l’interdiction des prix de revente fixe ou minimal imposés.

Dans son avis n°21-4, la CEPC souligne que :
  par exception à la prohibition des ententes, une coopérative de commerçant détaillants à la possibilité de définir et mettre en œuvre par tous moyens une politique commerciale commune propre à assurer le développement et l’activité de ses membres « par la réalisation d’opérations commerciales, publicitaires ou non, pouvant comporter des prix communs » (art. L. 124-1, 6° C. com.) ;

  ne constitue pas une pratique prohibée la fixation concertée de prix de revente, réalisée sous certaines modalités, par des commerçants indépendants regroupés sous une même enseigne, lorsque ces derniers ne se situent pas sur les mêmes zones de chalandise. (Cons. conc., n° 94‐D‐60, 13 déc. 1994, p. 21 ; Aut. conc., avis n° 10‐A‐26, 7 déc. 2010, relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants et les modalités d’acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire)

Autorité de la concurrence, avis n° 10‐A‐26, 7 décembre 2010, relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants et les modalités d’acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire.

Autorité de la concurrence, décision n°07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets.

Conseil de la concurrence, décision n° 94‐D‐60, 13 décembre 1994 relative à des pratiques relevées dans le secteur des lessives

 

Jurisprudences pertinentes

Autorité de la concurrence, décision n° 21-D-26 du 8 novembre 2021 relative à des pratiques mises en œuvre au sein du réseau de distribution des produits de marque Mobotix.

Autorité de la concurrence, décision n° 20-D-20 du 3 décembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme.

Autorité de la concurrence, décision n° 19-D-17 du 30 juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique.

Autorité de la concurrence, avis n° 10‐A‐26, 7 décembre 2010, relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants et les modalités d’acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire.

Autorité de la concurrence, décision n°07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets.

Conseil de la concurrence, décision n° 94‐D‐60, 13 décembre 1994 relative à des pratiques relevées dans le secteur des lessives.

 

Bibliographie

Règlement (UE) n° 2022/70 de la Commission du 10 mai 2022 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.

Lignes directrices sur les restrictions verticales, 10 mai 2022.

CEPC, avis n° 21-4, 31 mai 2021, relatif à une demande d’avis d’un professionnel portant sur la conformité d’une pratique d’un fournisseur au regard du droit de la concurrence.

CEPC, avis n° 21-5, 31 mai 2021, relatif à une demande d’avis d’un cabinet d’avocats portant sur la conformité d’une pratique d’un franchiseur au regard du droit de la concurrence.

Auteur

Citation

Alexandre Glatz, Prix de vente imposé, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 12337

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Accords ou pratiques concertées entre un fournisseur et un distributeur ayant directement ou indirectement pour objet l’établissement d’un prix de vente fixe ou minimum ou d’un niveau de prix de vente fixe ou minimum que le distributeur doit appliquer lorsqu’il revend un produit/service à ses clients. Une disposition prévoyant des prix de vente imposés sera généralement considérée comme une restriction caractérisée. Lorsque des dispositions contractuelles ou des pratiques concertées fixent directement le prix de vente, la restriction est flagrante. Toutefois, un prix de vente peut aussi être imposé par des moyens indirects : à titre d’exemples, on pourrait citer un accord qui fixe la marge du distributeur ou le niveau maximum des réductions que peut accorder un distributeur à partir d’un certain niveau de prix prédéfini, un accord qui subordonne au respect d’un niveau de prix déterminé l’octroi de réductions ou le remboursement de coûts promotionnels par le fournisseur, le fait de relier le prix de vente imposé aux prix de vente pratiqués par la concurrence, ainsi que des menaces, des avertissements ou même des sanctions (telles que des pénalités, des retards ou suspensions de livraison ou la résiliation de l’accord) en cas de non-respect d’un certain niveau de prix. Commission européenne

Pratique consistant pour le producteur à indiquer le prix minimum (ou maximum) auquel le produit doit être revendu. Du point de vue de la politique de la concurrence, l’imposition d’un prix minimum suscite de sérieux problèmes. Un des arguments évoqué est le suivant : grâce à l’imposition des prix de revente, le producteur est à même d’exercer un certain contrôle sur le marché du produit. Cette forme de fixation verticale des prix peut empêcher l’érosion des marges des détaillants et des grossistes sous le jeu de la concurrence. Mais un autre raisonnement peut être tenu : le producteur peut vouloir protéger la réputation ou l’image de son produit et donc empêcher les détaillants de pratiquer des prix d’appel en vue d’attirer des clients. Par ailleurs, ses marges bénéficiaires étant préservées grâce aux prix de revente imposés, le détaillant peut être incité à dépenser davantage pour les services connexes aux produits, à constituer des stocks, à faire de la publicité et à mener d’autres actions pour accroître la demande du produit dans son intérêt et celui du producteur. L’imposition des prix de vente peut également être utilisée pour empêcher tout parasitisme de la part de détaillants qui seraient en mesure de vendre moins cher parce que, contrairement à certains de leurs concurrents, ils ne consacreraient pas le temps, l’argent et les efforts nécessaires pour promouvoir le produit et informer le public sur le fonctionnement ou les caractéristiques du produit. Ainsi, un détaillant, au lieu de casser ses prix, peut préférer consacrer du temps et de l’argent à expliquer et montrer à ses clients comment utiliser un produit d’usage compliqué, par exemple un ordinateur. Le client, après avoir reçu cette information, peut finalement décider d’acheter le même ordinateur à un autre détaillant qui vendra le produit moins cher parce qu’il n’aura pas eu à fournir des informations ni à faire de démonstration. Les prix imposés font l’objet d’une interdiction absolue dans de nombreux pays, de très rares dérogations étant accordées pour certains produits. Un grand nombre d’économistes préconisent aujourd’hui d’adopter une attitude plus souple en droit de la concurrence à l’égard des prix imposés et des autres restrictions verticales. © OCDE

Voir Restrictions verticales

 
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