Pouvoir d’achat

 

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Premier aperçu

Dans le langage commun, le pouvoir d’achat correspond à la quantité de biens et de services qu’un revenu permet d’acheter.

S’agissant du droit de la concurrence, le pouvoir d’achat ou puissance d’achat désigne la capacité d’un ou de plusieurs acheteurs, fondée sur leur poids économique sur le marché concerné, d’obtenir de leurs fournisseurs des conditions d’achat avantageuses.

Le renforcement de la puissance d’achat d’une entreprise peut avoir des effets pro-concurrentiels significatifs : baisse des prix à l’amont répercutée au bénéfice des consommateurs, augmentation des incitations à investir et à innover pour les fournisseurs, puissance compensatrice capable d’équilibrer le pouvoir de marché des vendeurs.

Les effets anti-concurrentiels ne doivent pas non plus être négligés : en amont : risque d’alignement tarifaire des fournisseurs, baisse des volumes et diminution de la diversité des produits. En aval, le fait que peu d’acheteurs disposent d’un fort pouvoir d’achat peut entraîner des risques de collusion, ainsi que l’éviction d’acheteurs.

Les autorités de contrôle peuvent apprécier les concentrations qui créent et renforcent une puissance d’achat sur les marchés amont.

Notamment, lors de l’examen approfondi par l’Autorité de la concurrence d’une opération, l’Autorité va déterminer si l’opération est de nature porter atteinte à la concurrence, « par création ou renforcement d’une puissance d’achat qui place les fournisseurs en situation de dépendance économique » (Article L.436 du Code de commerce).

Les Lignes directrices de la Commission sur l’appréciation des concentrations horizontales (2004/C 31/03) et les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations mettent en avant « la puissance d’achat compensatrice » c’est à dire le pouvoir de négociation qu’un acheteur détient à l’égard d’un vendeur dans ses pourparlers commerciaux, en raison de sa taille, de son importance commerciale pour le vendeur en question et de sa capacité à s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs.

Le pouvoir d’achat peut aussi être évalué au titre du droit des ententes. Les lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux accords de coopération horizontale considèrent que la puissance d’achat est peu susceptible d’entraîner des effets anticoncurrentiels si les parties à l’accord d’achat ont une part de marché inférieur à 15%.

L’analyse des autorités de concurrence (contrôle des concentrations ou droit des pratiques anticoncurrentielles) regarde particulièrement la capacité pour les entreprises disposant d’un pouvoir d’achat à répercuter les gains de l’amont vers l’aval (auprès du consommateur) dans le bilan concurrentiel.

 

Pour aller plus loin

Le pouvoir d’achat est difficilement appréhendé par le droit de la concurrence. La part de marché est en effet l’élément le plus simple et le plus accessible pour déterminer le pouvoir d’achat d’une entreprise. Or, les acheteurs ne contrôlent généralement qu’une part relativement faible d’un marché de produit déterminé en aval et ne peuvent donc être efficacement régulés par les autorités de concurrence. L’analyse des effets de la concentration des acheteurs sur les marchés amont de l’approvisionnement trouve aussi des limites car la concentration à l’achat implique souvent des conséquences bénéfiques pour le consommateur, alors que d’autres effets négatifs à long terme (la raréfaction de la diversité des produits dans les linéaires par exemple) sont difficiles à appréhender.

Afin d’évaluer du pouvoir d’achat sur le marché amont, la Commission, lors de l’examen d’opérations (Par ex : Carrefour/Promodes en 2000) a créé le concept de « taux de menace » et à demander aux fournisseurs d’indiquer à partir de quel pourcentage de leur chiffre d’affaires ils considéraient que la perte d’un client représenterait une menace pour l’existence même de leur entreprise. Le seuil de 22% a donc émergé de cette pratique européenne et demeure le seul indicateur objectif et simple d’utilisation pour mesurer le pouvoir d’achat.

Conscient que les outils classiques (contrôle des concentrations, droit des pratiques anticoncurrentielles et même droit des pratiques restrictives avec un bilan très contrasté de l’application l’article L442-6 du Code de commerce sur les pratiques des grandes enseignes) étaient insuffisants pour réguler les abus de puissance d’achat observés sur le marché de la distribution de détail, notamment alimentaire, le législateur français a inséré au terme de la Loi Macron, complété par la loi EGalim l’article L. 462-10 au Code de commerce, en vertu duquel « doit être communiqué à l’Autorité de la concurrence, à titre d’information, au moins quatre mois avant sa mise en œuvre, tout accord entre des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail de produits de grande consommation, ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d’achat d’entreprises de commerce de détail, visant à négocier de manière groupée l’achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs ».

Aux termes de l’article L. 462-10, III, l’Autorité de la concurrence dispose de larges pouvoirs (mesures conservatoires, injonctions) afin de faire modifier les accords si elle devait constater une atteinte grave à la concurrence.

 

Jurisprudences pertinentes

Autorité de la Concurrence : Avis 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d’achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution

Commission européenne : Décision M. 1684 Carrefour/Promodes du 16 janvier 2000

Commission européenne : Décision M.1221 Rewe / Meinl du 3 février 1999

 

Bibliographie

J.K Galbraith, « American capitalism : the Concept of Countervailing Power”, Houghton Mifflin, 1952.

La puissance d’achat– Bulletins de l’Ilec Numéro 320, 2001.

Nicolas Delord. Puissance d’achat et concurrence dans la grande distribution. Droit. Université Nancy 2, 2007.

Claire Freytag. La puissance d’achat en droit européen de la concurrence Contextes européen, français et allemand. Droit. Université Paris Ouest Nanterre la Défense Université d’Hambourg, 2014.

Laurent Benzoni, Alexandre Journo. La puissance d’achat : nouveaux enseignements économiques. Actualité Juridique Contrats d’affaires. Décembre 2015

Auteur

Citation

Philippe Jouvet, Pouvoir d’achat, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 12327

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Capacité d’un ou de plusieurs acheteurs, fondée sur leur poids économique sur le marché concerné, d’obtenir de leurs fournisseurs des conditions d’achat avantageuses. Le pouvoir d’achat constitue un aspect important de l’analyse en matière de concurrence, car de puissants acheteurs peuvent influencer la politique de puissants vendeurs en matière de prix et créer ainsi un « équilibre des pouvoirs » sur le marché en question. Toutefois, le pouvoir d’achat ne produit pas nécessairement d’effets positifs. Par exemple, lorsqu’un acheteur puissant est en présence de vendeurs faibles, le résultat peut même être pire que lorsque l’acheteur ne jouit pas d’un pouvoir d’achat. Les effets de ce pouvoir dont peut jouir un acheteur dépendent également de la question de savoir si ce dernier bénéficie d’un pouvoir de vente sur un marché situé en aval. Commission européenne

 
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