La question des liens verticaux (amont/aval) est un paramètre systématiquement analysé dans le cadre d’une opération de concentration. A cette fin, et pour toute opération induisant une intégration verticale, la Commission européenne a développé une grille d’analyse pour mettre en lumière les effets possibles de l’opération, qu’ils soient sur le marché amont (test de verrouillage du marché des intrants) et sur les marchés en aval (test de verrouillage de l’accès à la clientèle) (voir lignes directrices de la Commission européenne du 18 octobre 2008 sur l’appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, JOUE 2008/C 265/07, paragraphes 29 et suivants).
Marché amont
Définition auteur
Premier aperçu
La notion de marché ou d’activité amont est une clé de voute pour définir les relations entre certains opérateurs économiques. Les activités amont sont des marchés, généralement pertinents, qui se définissent économiquement compte tenu du lien fonctionnel vertical qu’ils entretiennent avec d’autres marchés dit aval (ou situés plus bas dans la chaine de création de valeur économique).
Dans ses orientations sur les priorités retenues pour l’application de l’article [102 du TFUE], la Commission européenne définit en creux les activités amont en se référant à celles des marchés aval, notamment dans le cadre d’obligations de fourniture. « [D]es problèmes de concurrence se posent lorsque l’entreprise dominante concurrence sur le marché « en aval » l’acheteur qu’elle refuse d’approvisionner. Par « marché en aval », on entend le marché pour lequel l’intrant refusé est nécessaire à la fabrication d’un produit ou à la fourniture d’un service. » (Communication de la Commission européenne du 9 février 2009, JOUE 2009/C 45/02, paragraphe 76).
L’exemple le plus classique d’interaction amont/aval est le rapport entre des marchés de gros (échelon amont) et des marchés de détails (échelon aval). Les autorités de concurrence se sont ainsi penchées sur l’accès à certaines infrastructures qui sont nécessaires pour commercialiser des offres télécoms au détail. De multiples instructions ont notamment porté sur lien concurrentiel qui unit activité de gros de fourniture d’accès à la boucle local téléphonique par un opérateur national historique (marché amont) et le marché de détails de la fourniture d’internet haut débit à des particuliers (marché aval) (voir décision de la Commission européenne du 22 juin 2011, COMP/39.525 – Telekomunikacja Polska, ou décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-09 du 7novembre 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de l’Internet haut débit).
Les activités amont reposent sommairement sur un triptyque, dont l’accès est clé pour mener des activités aval :
– Les intrants : des produits physiques bruts ou intermédiaires, qui rentrent dans la production d’autres produits vendus au détail, comme dans l’industrie chimique (arrêt de la Cour de justice du 6 mars 1974, aff. jointes 6/73 et 7/73, ICI/Commercial Solvents, ECLI:EU:C:1974:18) ;
– Les infrastructures physiques : sans lesquels il est impossible de prester des services à des utilisateurs finaux, comme les capacités ferroviaires (décision de la Commission européenne, 2 octobre 2017, COMP/AT.39813 - Baltic rail ; voir également décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-D-25 du 18 décembre 2012, paragraphes 417 à 498) ; et
– Les éléments protégés par des droits de propriété intellectuelle (arrêt de la Cour de justice du 29 avril 2004, C-418/01, IMS Health, ECLI:EU:C:2004:257).
Les effets économiques entre marché amont et marché aval sont principalement étudiés au titre des abus de position dominante (articles 102 du TFUE et L.420-2 du Code de commerce). Ce cadre juridique tend, notamment, à prévenir des comportements d’entreprises en position dominante sur un marché en amont visant à essayer d’évincer les concurrents au moins aussi efficaces sur le marché en aval (arrêt de la Cour de justice du 17 février 2011, TeliaSonera, C-52/09, ECLI:EU:C:2011:83, paragraphe 87), même si la localisation de l’abus peut également avoir lieu en aval. Ces possibles effets anticoncurrentiels sont susceptibles d’être renforcés dès lors que l’entreprise en cause est verticalement intégrée et que cette intégration verticale touche une activité en amont indispensable pour être actif sur un marché aval (arrêt de la Cour de justice, TeliaSonera, cité plus haut, paragraphes 69 à 71, 87 et 88).
Par effet de levier depuis le marché amont, l’exploitation abusive de l’entreprise en position dominante peut revêtir diverses formes, que ce soient des pratiques tarifaires inéquitables comme de la compression de marges sur le marché aval (arrêt de la Cour de justice, TeliaSonera, cité plus haut) ou des refus d’accès à des infrastructures ou des intrants, y compris de façon constructive (Communication de la Commission européenne du 9 février 2009, citée plus haut, paragraphes 75 et suivants).
Jurisprudences pertinentes
Union européenne
CJUE, 17 février 2011, TeliaSonera, aff. C-52/09, EU:C:2011:83
CJCE, 29 avril 2004, IMS Health, aff. C-418/01, EU:C:2004:257
CJCE, 6 mars 1974, ICI/Commercial Solvents, aff. jtes 6 et 7-73, EU:C:1974:18
Comm. eur., déc. C(2017) 6544 final du 2 octobre 2017, Baltic rail, aff. AT.39813
Comm. eur., déc. du 22 juin 2011, Telekomunikacja Polska, aff. COMP/39.525
France
Bibliographie
BAVASSO (A.) et LONG (D.), « The Application of Competition Law in the Communications and Media Sectors : A Survey of Recent Cases », Journal of European Competition Law & Practice, 2014, vol. 5, no 4, p. 233
BOURREAU (M.), HOMBERT (J.), POUYET (J.) et SCHUTZ (N.), « Upstream Competition Between Vertically Integrated Firms », Journal of Economic Literature, 2011, vol. 59, no 4, p. 677
Communication de la Commission, Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes, JOUE no C 45 du 24 février 2009, p. 2
Comm. CE, Lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, JOUE no C 265 du 18 octobre 2008, p. 6
HART (O.) et TIROLE (J.), « Vertical Integration and Market Foreclosure », Brookings Papers : Microeconomics, 1990, p. 205
OCDE, « Refusals to deal », DAF/COMP(2007)46, 3 septembre 2009
VAN DIJK (T.) et GRATZ (L.), « Margin squeeze : Recent developments in EU and national case law », 5 avril 2018, e-Competitions Margin squeeze, art. no 86350
WIETHAUS (L.) et NITSCHE (R.), « Margin squeeze : An overview of EU and national case law », 15 avril 2014, e-Competitions Margin squeeze, art. no 65238
Auteur
- Gillian ArnouxCMA CGM (Marseille)
Citation
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Éditeur Concurrences
Date 1er février 2023
Nombre de pages 842