Le droit de la concurrence comprenant peu de règles de droit dur, ces dernières peuvent se montrer trop générales, voire imprécises, et ne permettent pas de connaître à l’avance la manière dont elles seront appliquées à des faits. Cela est d’autant plus vrai que l’appréciation de comportements potentiellement anticoncurrentiels nécessite souvent – et de plus en plus – le recours à une approche économique. En effet, contrairement à l’approche essentiellement juridique qui prévalait dans le passé – rigide mais prévisible –, la nouvelle approche économique prônée en droit de la concurrence se caractérise par un plus grand pragmatisme mais aussi une absence de certitude.
Dès lors, afin de conserver une certaine sécurité juridique, la Commission introduit les notions économiques dans le processus d’application de la règle de droit par le biais de lignes directrices, d’encadrements ou encore d’orientations, actes qui restent suffisamment généraux et qui ne sont pas modifiés fréquemment, au contraire de la jurisprudence qui, elle, est spécifique à un cas d’espèce et évolue constamment. Ces actes, en expliquant les notions économiques qui seront utilisées par la Commission pour appliquer telle règle de droit dur à une situation donnée, codifient, en quelque sorte, la théorie économique.
Les orientations de la Commission sur l’application de l’article 82 du traité CE, devenu 102 du TFUE (2009/C 45/02), présentent par exemple le test du « concurrent hypothétique aussi efficace », par lequel l’institution appréciera l’existence d’une éventuelle pratique d’éviction fondées sur les prix.
D’aucuns pourront toutefois s’interroger sur la capacité d’instruments juridiques non contraignants à créer une sécurité juridique et assurer une uniformisation du droit de la concurrence sur le territoire de l’Union.
Le juge de l’Union a admis l’opposabilité des lignes directrices à la Commission, en considérant qu’elles énoncent une règle de conduite, certes indicative de la pratique à suivre, mais dont la Commission ne saurait se départir sous peine de se voir sanctionner au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (v. CJCE, 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, aff. C-189/02 P e.a., pts 209 et 211). Toutefois, dans des cas particuliers, il est admis que la Commission puisse s’écarter de ses lignes directrices en donnant des raisons compatibles avec le principe d’égalité de traitement arrêt du 9 septembre 2015, (v. Trib. UE, 9 septembre 2015, Panasonic et MT Picture Display c/ Commission, aff. T 82/13, pt 168).
Les règles de droit mou ne semblent pas opposables aux autorités nationales de concurrence, qui seront libres toutefois de s’en inspirer fortement, si lesdites règles ne font pas état de déclarations par ces autorités selon lesquelles elles auraient pris acte des principes qui y sont exposés et acceptent de les respecter (v. CJUE, 13 décembre 2012, Expedia, aff. C 226/11, pts 24 à 29, à propos cependant non pas de lignes directrices mais de la communication de la Commission concernant les accords d’importance mineure).
Par ailleurs, les lignes directrices et autres encadrements peuvent produire des effets contraignants à l’égard des États membres. En matière d’aides d’Etat, ces derniers sont en effet tenus d’appliquer les règles énoncées dans des lignes directrices dès qu’ils les ont acceptées (v. CJCE, 15 octobre 1996, Ijssel-Vliet Combinatie BV c/ Minister van Economische Zaken, aff. C-311/94, pt 44).
Enfin, rappelons que le Tribunal et la Cour de justice ne sont pas liés par les lignes directrices et autres encadrements de la Commission. En effet, la Commission rappelle par exemple dans ses lignes directrices que celles-ci ne préjugent pas de l’interprétation pouvant être donnée par la Cour de justice de l’Union européenne de l’application de la règle de droit dur concernée.