Lettre de rejet de plainte

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

L’expression « lettre de rejet de plainte », si elle est communément utilisée, ne doit pas tromper quant à la substance de l’acte qu’elle désigne. Le rejet d’une plainte introduite par une personne physique ou morale auprès d’une autorité de concurrence - que ce soit la Commission européenne ou une autorité nationale de concurrence - en vue de sa saisine aux fins de la constatation d’une infraction aux règles de concurrence, prend, en règle générale, la forme d’une décision motivée et sujette à contrôle juridictionnel.

Au niveau du droit de l’Union, la Cour et le Tribunal ont reconnu à la Commission un pouvoir discrétionnaire dans le traitement des plaintes, afin de lui garantir la possibilité de définir les priorités dans la mise en œuvre de la politique de la concurrence, tout en tenant compte des ressources limitées dont elle dispose pour ce faire. Ce pouvoir discrétionnaire, qui lui permet de ne pas avoir à instruire chaque plainte dont elle est saisie, n’est pas pour autant sans bornes et le juge de l’Union a parallèlement souligné que la réglementation encadrant la matière conférait des droits procéduraux aux plaignants, comme ceux d’être informés des motifs du rejet de leur plainte et de présenter des observations à ce sujet.

Pour ce qui est des règlements en vigueur, le traitement des plaintes introduites, au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, est encadré par les articles 5 à 8 du règlement n° 773/2004. En dehors du cas des demandes irrecevables pour défaut d’intérêt légitime du plaignant, la décision qui rejette une plainte indique les motifs pour lesquels l’institution considère, sur la base de l’information dont elle dispose, qu’il n’existe pas de motifs suffisants pour donner suite à la saisine, sans pour autant que l’institution soit tenue d’établir l’absence d’infraction au soutien d’une telle décision. Ces motifs développés, pour la plupart, par la voie prétorienne tiennent, pour l’essentiel, au défaut d’intérêt suffisant de l’Union à poursuivre l’examen de l’affaire, à l’absence d’éléments justifiant les allégations avancées, au fait que le comportement dénoncé ne viole pas les règles de concurrence ou n’entre pas dans leur champ d’application ou au fait que l’accord ou la pratique faisant l’objet de la plainte ont déjà été traités par une autorité nationale de concurrence. D’une manière générale, la jurisprudence tend à se montrer plus exigeante quant à la nécessité d’un examen attentif des éléments de fait et de droit qui ont été portés à la connaissance de l’institution par les plaignants.

En droit français, l’article L. 462-8. du code de commerce, qui a remplacé l’ancien article 19 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, encadre, de manière similaire, le rejet de plainte par l’Autorité de la concurrence. Les modifications successives de cette disposition du code de commerce l’ont enrichie des motifs pour lesquels une plainte peut être rejetée par décision motivée, tantôt en reprenant des aspects découlant du droit de l’Union, tantôt en intégrant des spécificités du droit français.

 

Pour aller plus loin

La Commission européenne a publié une communication concernant le traitement par cette dernière des plaintes déposées au titre des articles 101 et 102 du Traité FUE (anciennement les articles 81 et 82 du traité CE), dans laquelle elle apporte notamment des précisions, à l’appui d’exemples concrets, sur les notions d’« intérêt légitime » des plaignants ou d’« intérêt de l’Union », ainsi que sur la manière dont l’institution examine une plainte au regard des dispositions précitées. Cette communication commence, certes, à dater, puisqu’elle a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne en 2004 (JO 2004, C 101, p. 65), mais elle fournit toujours des repères utiles pour appréhender les exigences entourant l’introduction d’une plainte.

Texte applicable

Art. L. 462-8. C. com. [Modifié par la Loi n°2020-1508 du 3 décembre 2020 - art. 37 (V)] – « l’Autorité de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable pour défaut d’intérêt ou de qualité à agir de l’auteur de celle-ci, ou si les faits sont prescrits au sens de l’article L. 462-7, ou si elle estime que les faits invoqués n’entrent pas dans le champ de sa compétence. Elle peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsqu’elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants. Elle peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsque les faits invoqués peuvent être traités par le ministre chargé de l’économie en application de l’article L. 464-9. Elle peut aussi rejeter la saisine dans les mêmes conditions, lorsqu’elle est informée qu’une autre autorité nationale de concurrence d’un État membre de la Communauté européenne ou la Commission européenne a traité des mêmes faits relevant des dispositions prévues aux 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Elle peut aussi rejeter la saisine dans les mêmes conditions ou suspendre la procédure, lorsqu’elle est informée qu’une autre autorité nationale de concurrence d’un État membre de la Communauté européenne traite des mêmes faits relevant des dispositions prévues aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Lorsque cette information est reçue par le rapporteur au stade de l’instruction, le rapporteur général peut suspendre son déroulement. L’Autorité de la concurrence peut aussi décider de clore dans les mêmes conditions une affaire pour laquelle elle s’était saisie d’office. Il est donné acte, par décision du président de l’Autorité de la concurrence ou d’un vice-président délégué par lui, des désistements des parties ou des dessaisissements effectués par la Commission européenne. En cas de désistement, l’Autorité peut poursuivre l’affaire, qui est alors traitée comme une saisine d’office. ».

 

Bibliographie

Idot, Laurence, Rejet de plainte, Europe 2018 Mois Comm. nº 11 p.28

Idot, Laurence, Traitement des plaintes, Europe 2017 Mars nº 03 p.24-25

Lacarra, A.C. 2019, "Rejection of Complaints : Recent Case Law", CoRe, vol. 3, no. 3, pp. 252-260

Regueiro, P.F. 2015, "Some brief considerations on the commission’s ’non-unlimited’ discretionality when rejecting competition law complaints under regulation 1/2003 - The General Court’s ruling in case T-201/11 SI.MOBIL V European Commission", Estudios de Deusto, vol. 63, no. 1, pp. 149-156

van Ginneken, P. 2011, "The CEAHR Judgment : Limited Discretion to Reject Complaints", Journal of European competition law & practice, vol. 2, no. 4, pp. 348-350

Auteur

  • European Court of Justice (Luxembourg)

Citation

Cédric Kaczmarek, Lettre de rejet de plainte, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 12282

Visites 1143

Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

Acheter

 

Définition institution

Lettre administrative par laquelle la Commission informe un plaignant de son intention de rejeter sa plainte. Cette lettre adressée au titre de l’article 7 expose la position provisoire de la Commission à l’égard d’une plainte et donne au plaignant la possibilité de présenter d’autres observations et commentaires dans un délai précis. Du fait de sa nature en tant que document préparatoire et provisoire, une lettre au titre de l’article 7 ne peut être attaquée en justice comme un acte susceptible de recours. Toutefois, le plaignant peut insister pour qu’une décision finale rejetant sa plainte soit prise, laquelle pourra faire l’objet d’un contrôle juridictionnel par le Tribunal de première instance.

Voir le règlement (CE) n° 773/2004 relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 et 82 du traité CE (JO L 123 du 27.4.2004, p. 18)

© Commission européenne

[L]’Autorité de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable pour défaut d’intérêt ou de qualité à agir de l’auteur de celle-ci, ou si les faits sont prescrits au sens de l’article L. 462-7, ou si elle estime que les faits invoqués n’entrent pas dans le champ de sa compétence. Elle peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsqu’elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants. Elle peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsque les faits invoqués peuvent être traités par le ministre chargé de l’économie en application de l’article L. 464-9. Elle peut aussi rejeter la saisine dans les mêmes conditions, lorsqu’elle est informée qu’une autre autorité nationale de concurrence d’un État membre de la Communauté européenne ou la Commission européenne a traité des mêmes faits relevant des dispositions prévues aux 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Elle peut aussi rejeter la saisine dans les mêmes conditions ou suspendre la procédure, lorsqu’elle est informée qu’une autre autorité nationale de concurrence d’un État membre de la Communauté européenne traite des mêmes faits relevant des dispositions prévues aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Lorsque cette information est reçue par le rapporteur au stade de l’instruction, le rapporteur général peut suspendre son déroulement. L’Autorité de la concurrence peut aussi décider de clore dans les mêmes conditions une affaire pour laquelle elle s’était saisie d’office. Il est donné acte, par décision du président de l’Autorité de la concurrence ou d’un vice-président délégué par lui, des désistements des parties ou des dessaisissements effectués par la Commission européenne. En cas de désistement, l’Autorité peut poursuivre l’affaire, qui est alors traitée comme une saisine d’office.

Article L. 462-8 C. com. [Modifié par la loi no 2020-1508 du 3 décembre 2020 – art. 37 (V)]

a b c d e f g i j k l m n o p r s t v