À l’instar de la plupart des juridictions dans le monde où il existe un régime de contrôle des concentrations (v., à cet égard, Merger Notification and Procedures Template de l’ICN), l’Union européenne exige la notification des concentrations envisagées qui relèvent de sa compétence avant leur réalisation et établit une liste détaillée des informations obligatoires dans ce contexte.
Même si, aux fins d’établir la compétence de la Commission dans des cas particulièrement complexes, la notification peut contenir de nombreux développements sur l’opération à l’origine du changement de contrôle (sect. 3 du formulaire CO) ou encore sur le chiffre d’affaires à prendre en compte au regard des seuils juridictionnels applicables (sect. 4), l’essentiel des informations soumises portera normalement sur les marchés sur lesquels la concentration peut avoir un impact. À cet égard, les informations recherchées par la Commission couvrent les dimensions statiques et dynamiques de la concurrence (v. sect. 7 : taille du marché, parts de marché des parties à la concentration et des concurrents, capacités ; sect. 8 : structure de l’offre et de la demande, différenciation des produits et proximité de la concurrence, entrée et sortie du marché, R&D, accords de coopération).
La qualification du marché pertinent comme marché « affecté » déclenche l’obligation de soumettre les informations prescrites aux sections 7 et 8. Les seuils permettant d’être considéré comme un marché affecté ont été revus par la Commission dans le cadre d’un paquet de simplification, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2014. Le seuil de part de marché cumulée des parties après l’opération sur le même marché pertinent (chevauchement horizontal) est passé de 15 à 20 %, tandis que, dans le cas de relations verticales, le seuil de part de marché cumulée sur l’un des marchés en amont ou en aval est passé de 25 à 30 %. Ces seuils de parts de marché sont, dans l’ensemble, reflétés dans les régimes de contrôle des concentrations des États membres (v. le rapport du groupe de travail de l’UE sur les concentrations sur les obligations d’information sur les concentrations, tableau B – partie 3) et les modifications récentes apportées au niveau national ont cherché, le cas échéant, à combler l’écart avec les exigences de la Commission telles qu’elles sont reflétées dans le formulaire CO (v., p. ex., en France, le décr. n° 2019-339 du 18 avril 2019, qui relève le seuil vertical de 25 % à 30 %). Le formulaire CO envisage également la fourniture des informations prescrites aux sections 7 et 8 en ce qui concerne les « autres marchés » où, en l’absence de chevauchements, d’autres préoccupations peuvent être signalées en ce qui concerne la concurrence potentielle ou les effets congloméraux (v. sect. 6.4).
Afin d’éviter d’imposer des charges administratives excessives aux parties notifiantes et de ne demander des informations que dans la mesure où elles sont nécessaires pour répondre à des problèmes de concurrence importants (v., à cet égard, la partie V des Recommended Practices for Merger Notification and Review Procedures de l’ICN), la Commission utilise un certain nombre d’outils pour atténuer, le cas échéant, les obligations pesant sur les parties notifiantes. Ainsi, d’une part, elle peut renoncer à l’obligation de fournir un certain nombre d’informations autrement prescrites par le formulaire CO. Il est intéressant de noter que la portée des dérogations potentielles semble être relativement large et inclut l’obligation de fournir des documents internes préparés pour évaluer la raison d’être de la concentration ou les conditions de concurrence sur les marchés affectés – même si, sans doute, la fourniture desdits documents n’implique, de la part des parties, aucun effort de rédaction et des efforts d’investigation comparativement limités. D’autre part, si certaines conditions sont remplies, les parties notifiantes peuvent n’avoir à fournir que les informations plus limitées requises par le formulaire CO abrégé, également annexé au règlement d’application. Les conditions d’éligibilité sont de nature différente (v. la communication de la Commission relative à une procédure simplifiée, pt 5) et concernent (i) l’absence de relations horizontales et verticales au sein des marchés sur lesquels les parties sont présentes, (ii) leur part de marché cumulée limitée sur les marchés ainsi concernés, (iii) l’acquisition du contrôle exclusif d’une entreprise par une partie qui exerce déjà un contrôle conjoint sur la première ou (iv) l’acquisition d’une entreprise commune dont les activités sont négligeables au sein de l’EEE.
La procédure simplifiée a ajusté les seuils de part de marché applicables au point (ii) d’une manière cohérente avec ceux applicables aux « marchés affectés » dans le cadre du formulaire CO (v. ci-dessus) tout en introduisant une nouvelle catégorie dans laquelle les parties dans une relation horizontale avec une part de marché combinée ne dépassant pas 50 % et un indice Herfindahl-Hirschman ne dépassant pas 150 « peuvent » également bénéficier de la procédure simplifiée. En d’autres termes, dans ce dernier cas, la Commission conserve une plus grande latitude pour accorder le bénéfice de la procédure simplifiée, à discuter avec les parties au stade informel de la prénotification.
Les variations du champ d’application de la procédure simplifiée observées dans différentes juridictions peuvent refléter les différentes sensibilités des autorités de concurrence à des théories spécifiques du préjudice. Par exemple, en France, jusqu’en 2020, le passage d’un contrôle conjoint à un contrôle exclusif exercé par la même entreprise ne rendait pas l’opération éligible à une procédure simplifiée, et a même donné lieu à des enquêtes approfondies et à l’imposition de remèdes substantiels (v. Aut. conc., déc. n° 13-DCC-90 du 11 juillet 2013, Casino/Monoprix).
D’autres pistes de simplification, telles que l’exemption de notification de certaines catégories de cas ou la mise en place d’un système d’autoévaluation combiné à une notification volontaire (comme cela existe, par exemple, au Royaume-Uni), ont été envisagées par la Commission dans un livre blanc de 2014, puis à nouveau dans le cadre d’une consultation publique en 2017, mais ont été mises de côté, du moins pour le moment, en raison d’un accueil quelque peu mitigé (v. Commission Staff Working Document, Evaluation of procedural and jurisdictional aspects of EU Merger control, mars 2021). Enfin, l’omission de notifier une concentration, que ce soit au moyen d’un formulaire CO ou d’un formulaire abrégé, ou le fait de ne pas fournir des informations complètes entraîne des conséquences juridiques importantes. En effet, ces dernières années, la Commission s’est efforcée d’intensifier le recours aux amendes pour les infractions procédurales, conformément à l’article 14 du règlement sur les concentrations. Les décisions Altice/PT Portugal et Canon/Toshiba s’opposent ainsi au fait que les concentrations concernées ont été réalisées en violation de la clause de statu quo (art. 7 du règl. sur les concentrations) et, au moins en partie, avant la notification. Les décisions Facebook/WhatsApp et GE/LM Wind Power Holding infligent aux parties notifiantes des amendes de 110 et 52 millions d’euros respectivement pour avoir fourni des informations inexactes dans leur notification.