Malgré le succès et les nombreux avantages qu’offre la procédure d’engagements, il ne faut pas occulter les risques qu’elle présente. D’abord, on encourt le risque d’un appauvrissement du droit de la concurrence, car les décisions ne comportent aucune décision d’infraction.
Ensuite, l’œuvre de simplification de l’articulation entre le public enforcement et le private enforcement est considérablement réduite. Les décisions d’engagements ne constatent aucune infraction et elles ne peuvent donc pas servir de base à une action consécutive (et donc à la présomption irréfragable d’une faute civile). La CJUE note que les décisions relatives aux engagements n’affectent pas le pouvoir d’appliquer le droit commun aux pratiques anticoncurrentielles. Si l’appréciation préliminaire effectuée par la Commission peut constituer un indice du caractère anticoncurrentiel, une décision d’engagements ne préjuge pas du pouvoir du juge national et n’induit pas une présomption de licéité des pratiques visées (CJUE, 23 nov. 2017, aff. C-547/16, Gasorba c/ Repsol). Le juge national a repris une telle analyse en considérant qu’une décision d’engagement ne saurait créer une confiance légitime sur la licéité d’un comportement et ne peut nullement avoir pour effet de « légaliser rétroactivement » un comportement (TGI Paris, 22 févr. 2018, Betclic entreprises c/ GIE PMU Paris).
Enfin, le droit à un recours effectif et le principe de proportionnalité qui s’y attache ont été convoqués devant le juge de l’Union. Dans un premier temps, la Cour de justice a relevé que « la mise en œuvre par la Commission du principe de proportionnalité dans le contexte de l’article 9 du règlement no 1/2003 se limite à la vérification que les engagements en question répondent aux préoccupations dont elle a informé les entreprises concernées et que ces dernières n’ont pas offert d’engagements moins contraignants répondant d’une façon aussi adéquate à ces préoccupations ». La Commission jouit donc d’une très grande liberté dans la procédure d’engagements et le contrôle du juge sur les engagements ne porte que sur l’erreur manifeste d’appréciation (CJUE, 29 juin 2010, C-441/07 P, Alrosa). Dans un second temps, la Cour a dépassé cette jurisprudence s’agissant des tiers aux engagements. Elle avait d’abord reconnu au juge le pouvoir d’annuler un contrat pourtant objet d’une décision d’engagement (CJUE, 23 nov. 2017, aff. C-547/16, Gasorba c/ Repsol). Elle a ensuite reconnu l’effet relatif des engagements et a considéré qu’à défaut de recours effectif à la disposition des tiers en présence de la décision d’engagement, « le pouvoir de la Commission de rendre l’engagement obligatoire à l’égard d’un tiers intéressé constitue une ingérence dans la liberté contractuelle dudit cocontractant allant au-delà des prévisions de l’article 9 du règlement n° 1/2003 ». En d’autres termes, lorsque les parties prennent des engagements pour lever les préoccupations de concurrence, la décision ne doit pas vider de leur substance les droits des tiers, cocontractants des parties, et la Commission doit examiner, au regard du principe de proportionnalité, les effets de ses décisions d’engagements sur ces tiers cocontractants (CJUE, 9 déc. 2020, C-132/19 P, Groupe Canal +).