Distribution exclusive

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

La distribution exclusive est un système de distribution par lequel un fournisseur « accorde un droit exclusif sur ses produits ou services à une autre entreprise » (DG concurrence, Glossaire des termes employés dans le domaine de la politique de concurrence de l’Union européenne : antitrust et contrôle des opérations de concentration, 2002) et, plus précisément, « un territoire ou un groupe de clients à titre exclusif […] et restreint la possibilité de tous ses autres acheteurs de vendre activement sur le territoire exclusif ou au groupe de clients exclusif » (art. 1 (h) du règl. (UE) 2022/720, dit « VBER » (ci-après « VBER 2022/720 »). La plupart du temps, l’exclusivité porte sur un territoire déterminé, dont l’échelle varie (p. ex. un pays, une région) et/ou sur un assortiment de produits.

Ce monopole de commercialisation sur le territoire concédé constitue la différence fondamentale entre le distributeur exclusif et le distributeur sélectif puisque ce dernier n’en bénéficie pas.

L’intérêt de la distribution exclusive pour le fournisseur est « d’inciter le distributeur à promouvoir son produit et à offrir un meilleur service aux clients » (VBER 2022/720) et à « réaliser les investissements […] sur un territoire où la marque n’est pas connue » (Comm. eur., lignes directrices sur les restrictions verticales 2022 (ci-après « LD »), pt 118). En contrepartie, le distributeur bénéficie d’une protection relative dans sa zone géographique (v. infra : « ventes actives » et « ventes passives »).

La distribution exclusive présente deux inconvénients principaux : ce mode de distribution peut restreindre l’offre du fournisseur, qui ne peut vendre ses produits qu’à ses distributeurs ; par ailleurs, il limite le nombre de points de vente et, ainsi, le choix des consommateurs.

Le monopole accordé au distributeur exclusif n’est pourtant pas absolu, car si le distributeur exclusif est à l’abri des « ventes actives » sur son territoire, les « ventes passives », notamment sur internet, ne peuvent être prohibées, une telle interdiction constituant une restriction verticale non exemptée (art. 4 (b) VBER 2022/720). Le nouveau règlement renforce l’interdiction des « ventes actives » avec une extension de cette dernière aux clients directs du distributeur exclusif et non plus seulement aux autres distributeurs exclusifs (clause dite de « pass on » ; art. 4 (b) VBER 2022/720).

Ce monopole est d’autant moins absolu que la « distribution exclusive partagée » est désormais possible : le fournisseur peut désigner au maximum cinq distributeurs exclusifs sur un même territoire (art. 1 VBER 2022/720) ; cette limite permettant, selon la Commission européenne, d’offrir « au fournisseur une souplesse suffisante pour organiser son système de distribution » (LD, pt 121) malgré cette « exclusivité partagée ». Au-delà de cinq distributeurs, il existerait un risque accru de parasitisme entre les distributeurs exclusifs.

 

Pour aller plus loin

Le VBER 2022/720 confirme le seuil de sensibilité de 30 % de part de marché en deçà duquel un accord vertical sera susceptible de bénéficier de l’exemption par catégorie (art. 5 (a) VBER 2022/720).

La durée de l’exclusivité accordée ne peut dépasser cinq ans (art. 4 VBER 2022/720) et le distributeur doit bénéficier de la faculté réelle de ne pas reconduire l’accord exclusif.

Au sens du droit de la concurrence, la distribution exclusive a pour effet d’accroître la concurrence intermarques et de réduire la concurrence intramarque.

La mise en place d’un système de distribution exclusive permet d’interdire les « ventes actives » (v. supra) ; ces dernières bénéficiant désormais d’une définition réglementaire, à savoir « ciblage actif de clients » (art. 1 (l) VBER 2022/720).

Le fournisseur à la tête du réseau de distribution exclusive se porte garant du respect de l’exclusivité qu’il accorde à ses distributeurs : il doit assurer la discipline et l’étanchéité de son réseau afin d’éviter la concurrence entre ses distributeurs exclusifs situés sur les différents territoires concédés au risque d’engager sa responsabilité contractuelle.

Le règlement (UE) 2022/720 et ses lignes directrices maintiennent l’interdiction de toute forme de prix imposés par le fournisseur à son distributeur ; les rares cas admis dans les lignes directrices ne paraissant pas, a priori, trouver d’application en pratique. En revanche, le fournisseur peut transmettre à son distributeur des prix de revente recommandés, indicatifs ou maximums.

Par principe, tout membre d’un réseau est libre de vendre des produits sur internet. La tête de réseau peut néanmoins définir certaines conditions de revente en cas de vente en ligne. La combinaison de la distribution exclusive et d’internet est particulièrement délicate dans la mesure où un site internet est, par essence, accessible à tous et partout : sur internet, la frontière entre les ventes active et passive s’avère d’autant plus fragile.

Commentaire final : bien que cette définition aborde les principaux enjeux liés à la distribution exclusive, ce système de distribution peut naturellement conduire à diverses autres préoccupations traitées notamment à d’autres articles du présent ouvrage.

 

Jurisprudences pertinentes

CJUE, 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, aff. C-439/09, EU:C:2011:649

CJCE, 30 juin 1966, Société Technique Minière (L.T.M.) c/ Maschinenbau Ulm GmbH (M.B.U.), aff. 56-65, EU:C:1966:38

CJCE, 13 juillet 1966, Consten et Grundig c/ Commission, aff. jtes 56 et 58-64, EU:C:1966:41

États-Unis : Continental TV, Inc. v. GTE Sylvania, Inc., 433 U.S. 36 (1977)

 

Bibliographie

Communication de la Commission, Lignes directrices sur les restrictions verticales, C(2022) 4238 final, 28 juin 2022

Règlement (UE) 2022/720 de la Commission du 10 mai 2022 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JOUE n° L 134 du 11 mai 2022, p. 4

Comm. CE, DG concurrence, Glossaire des termes employés dans le domaine de la politique de concurrence de l’Union européenne : antitrust et contrôle des opérations de concentration, Luxembourg, Office des publications officielles des Communautés européennes, 2002

CHAGNY (M.) (dir.), Le Lamy droit économique : concurrence, relations commerciales, distribution, consommation, Paris, Wolters Kluwer France, 2021

FERRIER (D.) et (N.), Droit de la distribution, 8e éd., Paris, LexisNexis, 2017

Mémento Concurrence Consommation 2021, Paris, Éditions Francis Lefebvre, 2020

Auteur

Citation

Alban Curral, Distribution exclusive, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 12217

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Système de distribution dans lequel une entreprise accorde un droit exclusif sur ses produits ou services à une autre entreprise. Les formes les plus courantes sont le monomarquisme et/ou le droit exclusif sur un territoire, par lequel un seul distributeur est autorisé à commercialiser le produit d’un fournisseur sur un territoire donné. L’objectif du fournisseur en accordant l’exclusivité est normalement d’inciter le distributeur à promouvoir son produit et à offrir un meilleur service aux clients. Dans la plupart des cas, le pouvoir de marché du distributeur est limité par la concurrence intermarques. Commission européenne

Voir aussi Accord vertical

 
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