Emmanuel Combe
Nous allons nous concentrer sur un moment critique dans la vie d’un médicament, celui de sa générification. Mais il ne faut pas oublier toute la période qui précède l’expiration du brevet, durant laquelle la protection de la propriété intellectuelle permet au laboratoire de rentabiliser sa R&D, dont on sait qu’elle est à la fois coûteuse et risquée. L’Autorité de la concurrence a notamment clairement expliqué dans son avis Médicaments de 2014 que l’enjeu de la générification ne se limite pas à la réduction des déficits des comptes sociaux, mais vise aussi à dégager des ressources nouvelles pour financer des médicaments innovants. Durant cette phase de brevet, les autorités antitrust sont plutôt en retrait, leur rôle principal portant sur le contrôle des concentrations.
Quant au moment critique de l’expiration des brevets, il appelle une certaine vigilance des autorités antitrust. Les laboratoires peuvent en effet mettre en œuvre une grande variété de stratégies visant à limiter la pénétration de médicaments génériques (rallongement de brevet, evergreening, générique propre, différenciation de gamme, etc.). S’il est par principe légitime de défendre un princeps, les laboratoires ne peuvent toutefois le faire qu’en usant de moyens qui relèvent de la concurrence par les mérites. Nous allons nous pencher successivement sur deux pratiques qui posent problème au regard des règles de concurrence et ont conduit à des décisions importantes, au niveau français et européen : d’abord, le dénigrement, puis les accords de report d’entrée.